Histoire/France 17 octobre Willem De Vries

Une affiche de 1938 représente un aigle stylisé dont les plumes forment les tuyaux d'un orgue : la légende dit « L'Allemagne, le pays de la musique ». Oui, mais pas de toutes les musiques. Dès 1940 les nazis décident d'éliminer la vie culturelle juive en Europe et la musique en fait partie. L'organisation Rosenberg ou ERR pour Einstazstab Reichsleiter Rosenberg est chargée de cette mission. On sait ce qu'il advint des tableaux, des objets d'arts et des meubles appartenant à des familles juives. On sait moins en revanche qu'au sein de l'ERR un bureau dénommé le « Commando Musique » (Sonderstab Musik) fut plus particulièrement chargé de saisir les instruments de musiques, les partitions et les livres.

Le musicologue néerlandais a étudié cette spoliation dans les Pays-Bas, en Belgique et en France. Son travail méticuleux révèle quantité d'informations sur l'ampleur d'un pillage dont il est difficile d'estimer le préjudice exact, la plupart des papiers ayant été détruits dans les bombardements à la fin de la guerre. Quant aux instruments, la plupart n'ont pas été réclamés et sont restés dans les familles allemandes. Willem de Vries propose tout de même une estimation : 6 000 pianos, clavecins et épinettes ont été dérobés.

À la tête du « Commando Musique » on trouvait Herbert Gerigk, membre du parti nazi, aidé dans sa tâche par d'éminents spécialistes. Willem de Vries s'attarde sur deux d'entre eux, Wolfgang Boetticher qui deviendra professeur de musicologie à Göttingen après la guerre et Guillaume de Van conservateur en chef à la Bibliothèque nationale à Paris. Il produisit une liste de « musiciens français juifs suspects » et subtilisa dans les collections des manuscrits autographes de Mozart, ce qui valu d'être arrêté le 2 mai 1944 par la police allemande.

Willem de Vries examine aussi les cas de deux victimes juives, la claveciniste polonaise Wanda Landowska et le compositeur français Darius Milhaud tous deux exilés aux États-Unis avant le début de l'Occupation. Son enquête qui aura duré dix ans, fait sortir de l'oubli un épisode de la spoliation des biens juifs dans le cadre d'une politique musicale nazie qui avait commencé bien avant la Seconde Guerre mondiale.

Willem De Vries
Commando Musik : comment les nazis ont pillé l'Europe musicale - Péface de Corinne Hershkovitch, et de Sonia Wieder-Atherton - Traduit de l'anglais par Laurent Slaars
Buchet Chastel
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 26 euros ; 416 p.
ISBN: 9782283031988

Les dernières
actualités