28 octobre > Essai France

Depuis 1976 et ses Dialogues égoïstes (Olivier Orban), Michel Piccoli, à rebours de la plupart des monstres sacrés de la scène et de l’écran, ne s’était pas raconté. Grâce à l’insistance bienveillante de Gilles Jacob, qui lui a proposé en quelque sorte, pour J’ai vécu dans mes rêves, de poursuivre en public leur longue correspondance privée, il s’y soumet à nouveau, non sans une certaine réticence où la pudeur a toute sa part. La pudeur, le refus de toute prétention, notamment à n’être plus, le succès aidant, qu’un avatar de soi-même (comme lorsque, mordant, il reproche à Montand de n’avoir été "qu’encombré du sentiment qu’il avait de sa propre grandeur. Cela devait être lourd à porter"), est le motif qui court tout au long de ces pages. Sollicité par son ami, Piccoli revient sur son enfance auprès de parents musiciens qui n’aimaient pas la musique…, sur ses débuts au théâtre après-guerre qui le poussent de scène en scène avec un joli culot de jeune homme, sur la découverte du cinéma et bientôt celle du vedettariat. Il évoque quelques femmes qui passent (mention spéciale à l’évocation pleine de tendresse navrée de Romy Schneider), et quelques metteurs en scène qui restent. Parmi ceux-là, il semblerait que Marco Ferreri, qui le fit tourner dans Dillinger est mort et dans La grande bouffe, occupe le premier rang. Mais Claude Sautet, Luis Buñuel ou le trop méconnu Claude Faraldo ne sont jamais loin dans le souvenir de leur interprète fétiche. Et puis, comment passer sous silence les dernières pages - déchirantes - du livre ? Piccoli s’y peint en vieux roi nu, privé désormais de tournages et de scènes faute d’accord des compagnies d’assurance, conclue-t-il, "mon élément naturel, c’était le désordre des choses. Il n’y a plus de choses". Poignant.

Olivier Mony

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