TRIBUNE

Plagiés, Indignez-vous !

Plagiés, Indignez-vous !

Au-delà des rebondissements de l'affaire Macé-Scaron, le plagiat - comme la dénonciation tous azimuts qui l'accompagne désormais - apparaît comme un phénomène de société. Hélène Maurel-Indart apporte son analyse.

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avec Créé le 11.09.2015 à 14h33

" Vous avez dit plagiat ?... et vous pensez avoir raison, car les titres sont protégés par le Code de la propriété intellectuelle, aussi bien que les oeuvres. Or, le titre "Indignez-vous !" a été très récemment utilisé dans un best-seller. De quel droit le reprendre à son compte ? Cet exemple permet de mieux comprendre les principaux ressorts du plagiat et de l'originalité, désormais au coeur d'une actualité récurrente. Essayons d'y voir plus clair. En tant que telle, l'expression "indignez-vous" n'est probablement pas protégée par le droit d'auteur, tant elle est usuelle ; cependant, si un juge en décidait autrement, en considérant qu'elle tire son originalité de son utilisation dans un contexte bien particulier, nous pourrions avancer un autre argument de défense : l'adjonction de l'apostrophe "plagiés" à la formule impérative peut garantir à ce nouveau titre sa propre originalité. Et surtout, il s'agit d'un clin d'oeil, d'un hommage à un intellectuel bien connu qui, lui aussi, se bat pour une juste cause. En outre, la brièveté de l'emprunt - un simple verbe à l'impératif - l'apparente à une allusion ou à une référence implicite, et non pas à du plagiat ! Ces procédés relèvent clairement de l'intertextualité. Pour autant, peut-on se retrancher systématiquement derrière l'argument de l'intertextualité pour justifier toute sorte d'emprunt littéraire ? C'est une arme à double tranchant : Gérard Genette, dans son essai Palimpsestes, la considère comme une des cinq formes de transtextualité (attention à la prononciation !), qui admet divers types d'emprunt comme la citation certes, mais aussi le plagiat. A force d'entendre toujours les mêmes arguments à chaque nouvelle affaire de plagiat, les lecteurs vont désormais écouter d'une oreille plus critique les tentatives d'autojustification des prochains plagiaires démasqués. Car la détection du plagiat a nettement progressé depuis le siècle dernier, avec l'utilisation des moteurs de recherche qui repèrent d'un clic toute similitude avec n'importe quel document mis en ligne. Autre atout décisif : les lecteurs ont perdu toute naïveté sur le sujet ; ils ont compris que le plagiat n'était pas un phénomène isolé et qu'il a cessé d'être un sujet tabou. On peut désormais compter sur des milliers de lecteurs pour signaler les emprunts suspects. Ce sont eux qui détiennent aujourd'hui le pouvoir de dissuader les plagiaires potentiels et d'exiger que le marché du livre fonctionne avec plus de transparence pour satisfaire leur passion de lire. "

Hélène Maurel-Indart est professeure de littérature française à l'université François-Rabelais de Tours, auteure de Du plagiat (Folio essais, 2011).

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