Essai/États-Unis 8 nov. James Young

Un disque avec le Velvet Underground et Andy Warhol pour mentor, une chute de vélo à Ibiza. Dans sa vie, Nico, née Christa Päffgen, aura au moins réussi son entrée et sa sortie. Pour le reste, ce ne fut que l'érection progressive d'un monument magnifique dédié à la beauté de la perte, de l'échec, de l'oubli de soi. Cette fille superbe ne savait ni rire ni sourire. Seulement expier une faute qui était moins la sienne que celle de son peuple, souffrir mille maux avec une sorte d'indifférence gourmande. Elle fut l'une des plus belles femmes du monde et détesta cela très vite. Tout lui fut promis, et comme elle n'en voulait pas, tout lui fut retiré. Très vite, il ne resta que le mythe : Berlin, Jean-Loup Sieff, la Factory, un fils avec Delon (qui n'en voulut rien savoir), une apparition dans La dolce vita, une déesse marmoréenne chez Philippe Garrel, le rock tout de même, des disques étranges et peu aimables et une seule constance, une seule chose vraiment grave dans cette vie ou tout où rien l'était, la dope, l'héroïne.

Et puis, il y eut aussi Manchester. Quelques années avant que celle-ci ne se rebaptise « Madchester », l'icône déchue avait atterri-là dès 1982, Dieu seul ou son dealer savent pourquoi. Plus absente à elle-même que jamais, n'ayant d'autre souci que de se procurer ses doses quotidiennes, Nico fait bientôt la connaissance d'un individu improbable qui se surnomme lui-même Dr Demetrius et s'improvise aussitôt « tourneur » pour la pauvre chanteuse qui n'a rien contre, ni pour, qui s'en balance. Et puisqu'il doit y avoir une tournée, il lui faudra aussi des musiciens, quoique le terme soit ici excessif pour la bande de bras cassés, toxicos et autres brailleurs magnifiques, qui vont désormais plusieurs années durant et un peu partout dans le monde accompagner sur scène, comme ils peuvent, l'icône Nico. Parmi eux, le seul sans doute à n'avoir pas renoncé à la raison, le « clavier » du groupe, un étudiant nommé James Young. Il assiste, aux premières loges, fasciné et hébété, à ce désastre. Et si Nico n'en a pas nécessairement fait un musicien, elle le fait devenir mieux : un écrivain. Nico, the end, le livre qu'il consacre à cette épopée déglinguée, est formidable. Il y capte à la fois l'essence d'une femme, mais aussi d'une époque et du rock lui-même. Un truc désordonné, qui ne veut rien dire, pour « outlaws » qui n'ont rien à perdre, mais dont la disparition a toujours à voir avec celle de la jeunesse. Alors, en route pour la joie et requiescat in pace.

James Young
Nico, the end - Traduit de l’anglais par Charles Villalon
Séguier
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 21 euros ; 328 p.
ISBN: 9782840497721

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