Littérature /Royaume-Uni 18 avril Alain Morvan

Après Frankenstein et autres romans gothiques (Bibliothèque de la Pléiade, 2014), l'angliciste Alain Morvan, spécialiste du « gothique », poursuit son entreprise de réhabilitation de la littérature dite « de genre », afin de dissiper un certain nombre de préjugés : il ne s'agit en aucun cas d'une «  sous-culture à bon marché ». Le prouvent à l'envi les noms des auteurs, parmi les plus distingués : Coleridge avec son long poème Christabel, Lord Byron (présent en 1816, à la villa Diodati, au bord du lac Léman, quand Mary Shelley créa son Frankenstein) et son Giaour, Robert Southey, ou encore l'Irlandais Sheridan Le Fanu et sa Carmilla, et, bien sûr, l'illustre Bram Stoker et son Dracula, qu'Alain Morvan appelle, ce « grand saigneur ». On aurait pu y ajouter les contes d'Edgar Allan Poe, ou La morte amoureuse de Théophile Gautier, mais, pour des raisons de cohérence, Alain Morvan a circonscrit son champ d'action au Royaume-Uni, ce qui est suffisant pour constituer un recueil, qui court tout au long du XIXe siècle. La preuve, on n'y trouvera pas le fameux Varney le vampire ou le Festin de sang (1845-1847), attribué généralement à James Malcolm Rymer, parce qu'il est d'une « longueur hors normes ».

On y trouve, en revanche, Le vampire, de Polidori qui n'était autre que le médecin de Byron, le conte fondateur du genre. Avec lui, le personnage change de statut et de modèle. Ce n'est plus une vulgaire goule suceuse de sang, mais un héros aussi séduisant que redoutable, infernal, souvent issu des hautes classes de la société. Un comte, même, comme Dracula. On notera aussi, dans le genre vampirique (ou noir en général), la parité des sexes : tant chez les auteurs que chez leurs créatures, les femmes sont nombreuses, et leurs héroïnes non moins redoutables que leurs confrères.

Ainsi, ce petit chef-d'œuvre totalement inconnu en France, où il est traduit pour la première fois, Le sang du vampire, de Florence Marryat (1833-1899), publié à la fin de sa vie, en 1897, soit la même année que Dracula. Le personnage de Harriet Brandt, une jeune fille originaire de la Jamaïque, où elle a été élevée chez les Ursulines, puis est venue en Angleterre, cruelle, raciste, impitoyable pompeuse de l'énergie vitale de ses victimes tout en les hypnotisant de ses yeux sombres, insondables, est des plus réjouissants. De même que la société de villégiature où elle évolue au début, au Lion d'or et sur la plage de Heist, où la vulgaire et « nouveau riche » baronne Gobelli tyrannise tout le monde, mari, beau-fils et personnel. En parfait pédagogue, Alain Morvan n'a pas trop multiplié les gloses savantes ni les notes. Ses traductions sont vivantes, accessibles, sans anachronismes, et tentent de rendre même les accents, les dialectes, le niveau de langue des protagonistes. « Un tel vertige du cœur et de l'esprit/Provient le plus souvent de rage et de souffrance/Et fait alors usage des mots de tous les jours ? », s'interrogeait déjà Coleridge.

Alain Morvan
Dracula : et autres écrits vampiriques - Textes traduits, présentés et annotés par Alain Morvan
Gallimard
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 63 euros ; 1 168 p.
ISBN: 9782072743283

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