Qui dit rentrée littéraire dit transferts d’écrivains d’une maison à une autre. Malgré – ou à cause – de la crise, le mercato poursuit son bonhomme de chemin… hérissé de clauses de préférence. La plupart des contrats d’édition proposés aux auteurs débutants comportent encore ce que les professionnels qualifient, faussement, de « droit de suite », tandis que le Code de la propriété intellectuelle évoque un « pacte de préférence ». Beaucoup d'éditeurs affirment le cœur sur la main ne pas mettre en œuvre une telle faculté que leur laisse la loi. Ils arguent du fait que l'on ne retiendrait pas un « poulain » qui veut partir, alléché par les à-valoirs, la perspective d'une chance aux grands prix littéraires ou le prestige que lui aurait fait miroiter la concurrence. Beaucoup de contrats continuent cependant de contenir des pactes de préférence. Leur régime juridique n'en est pas moins très strict. L’article L. 131-1 de ce qui est aujourd'hui le Code de la propriété intellectuelle rappelle que « la cession globale des œuvres futures est nulle ». Le but d'une telle restriction est d'éviter qu'un auteur ne soit tenu de livrer toute son œuvre, sa vie durant, au même éditeur. Cependant, le législateur a pris en compte les risques liés à l'édition de premiers romans. Il s'agit donc d'investir à long terme sur un nouveau talent et de pouvoir s’attacher (ou attacher, tout court) un auteur et de se « rattraper » au fur et à mesure de son ascension - et de celle de ses ventes - dans la hiérarchie des écrivains reconnus. L’article L. 132-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose ainsi que le pacte de préférence est licite s’il porte sur des œuvres « de genres nettement déterminés ». La jurisprudence invalide en effet régulièrement les clauses qui permettent à l'éditeur de contourner la détermination d'un genre précis. C'est ainsi qu'ont été jugées illicites les références aux genres suivants : « œuvres de l'auteur », « œuvres en prose », « œuvres du même genre ». Il en est de même quand la clause vise plusieurs genres en même temps («  romans et essais  »), ce qui se rencontre encore fréquemment. Le 12 juin 2009, la Cour d’appel de Paris s’est penchée sur un pacte proposé par une importante maison d’édition et visant les « genres déterminés suivants : sans limitation de genre  »…  Les juges ont conclu à la nullité d’une telle stipulation. La loi ajoute que, « ce droit est limité pour chaque genre à cinq ouvrages nouveaux à compter du jour de la signature du contrat d'édition conclu pour la première œuvre ou à la production de l'auteur réalisée dans un délai de cinq ans à compter du même jour ». Et il faut bien sûr entendre ce chiffre comme un maximum. La jurisprudence sanctionne d’ailleurs fréquemment les clauses de préférence qui réapparaissent à chaque nouveau contrat d'édition, conclu lui-même en vertu d'une clause de préférence contenue dans un contrat d'édition précédent : l'écrivain ne pourrait en effet jamais quitter son éditeur.
15.10 2013

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