2 FÉVRIER - NOUVELLES Etats-Unis

Au détour d'une page de Zoo (Gallimard, 2010), le recueil de ses chroniques littéraires, Michel Braudeau évoque la "belle folie" de Steven Millhauser, sa "magie paresseuse". On retrouve intact l'univers si singulier de l'Américain dans les formidables nouvelles que propose aujourd'hui Albin Michel.

Prix Pulitzer 1997 pour Martin Dressler ou Le roman d'unrêveur américain (Albin Michel 2000, repris au Livre de poche), Millhauser n'a pas son pareil pour le merveilleux et l'étrange. Il lui est déjà arrivé de prendre pour héros un magicien ou un fabriquant d'automates. La première histoire du présent volume, qui donne son titre à l'ensemble, met cette fois en scène un lanceur de couteaux itinérant.

Hensch, dont tout le monde sait le nom et l'audace, est reconnu pour son art, "art difficile et vaguement déplaisant", qui fait se déplacer les foules. Le lanceur travaille avec une assistante à la chevelure pâle, joue avec les peurs et les envies du public, qui peut demander à recevoir la "marque du maître" : à ce que l'une de ses lames entaille vraiment la peau...

Dans "Visite", voici qu'Albert, ami perdu de vue, redonne signe de vie et annonce qu'il a "pris épouse". Le narrateur accepte son invitation et se rend chez lui, dans un coin reculé de l'Etat de New York. Il découvre une maison délabrée, qu'Albert nomme son "domaine". Et aussi que l'élue de son coeur se révèle "une épouse-grenouille des marais"...

Plus loin, on croise des filles entre 12 et 15 ans qui se déplacent en bande de cinq ou six. Elles ne sortent et ne rentrent que la nuit, s'adonnent à des rites érotiques. Quant à Harter, sa liaison avec une certaine Martha rencontrée à la bibliothèque est interrompue par l'arrivée du "petit mari" de cette dernière...

Parfaitement construites et narrées, les nouvelles de Steven Millhauser plongent le lecteur dans un monde magique où la réalité est sans cesse légèrement détournée. Un monde dont on sort étourdi et ébloui.

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