Etats-Unis

Procès Simon & Schuster : l’avance des auteurs au cœur des débats en deuxième semaine

La justice américaine a bloqué le projet de concentration entre deux géants de l'édition - Photo DR

Procès Simon & Schuster : l’avance des auteurs au cœur des débats en deuxième semaine

La deuxième semaine du procès lancé à Washington par l’administration de Joe Biden pour bloquer le projet de rachat de Simon & Schuster par Penguin Random House a soldé les témoignage des P-DG des trois groupes concurrents, HarperCollins, Macmillan et Hachette Book Group, répondant à Markus Dohle de PRH.

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Par Eric Dupuy,
Créé le 12.08.2022 à 18h52

Le combat se poursuit devant la Cour américaine du district de Washington depuis le 1er août et les audiences, qui courent jusqu’au 19 août, voient défiler tout le gotha américain de l’édition. Que retenir de la deuxième semaine du procès intenté par l'administration américaine pour empêcher le rachat par de Simon & Schuster (S&S) par Penguin Random House (PRH) ? C’est évidemment les discours sur l’atteinte à la concurrence que représenterait la fusion du numéro un avec le numéro cinq de l’édition américaine. Selon le gouvernement américain, cette fusion engendrerait un partage en quatre (et non plus cinq) de 90% du marché des meilleures ventes aux Etats-Unis, dont près de 50% reviendrait au mastodonte aux potentiels cinq milliards de dollars de chiffre d’affaires.

Tous OK pour un « big four » de l’édition

Après Michael Pietsch, le P-DG d’Hachette Book Group au premier jour du procès, Don Weisberg, celui de Macmillan, en début de semaine,  Brian Murray s’est avancé mercredi 10 août à la barre des témoins. En écho aux déclarations du patron d’Hachette, le P-DG d’HarperCollins s’est dit toujours intéressé à la reprise de S&S. Les deux boss, dépassés sur le terrain des enchères par l’offre de PRH de 2,175 milliards de dollars en 2020, ne voient pas d’un mauvais œil le resserrement du « big five » en « big four ». D’après nos confrères de Publishers Weekly, qui suivent au quotidien le procès, « passer de cinq à quatre acteurs n’est pas anticoncurrentiel, a déclaré Brian Murray, mais la combinaison de PRH avec S&S l’est ». Et le numéro trois du secteur d’étayer son inquiétude quant à la capacité de son groupe à rivaliser avec un géant « trois à trois fois et demi » plus grand que lui. Pour autant, les chiffres qu’a présentés Brian Murray à la cour pour justifier l’ordre de grandeur ne prennent pas en compte toute son activité, a fait remarquer la présidente du tribunal Florence Pan. Deux jours plus tôt, la juge de 55 ans avait fait dire au P-DG de Macmillan que la concurrence avec un PRH-S&S serait « difficile mais possible ».

Réduction ou augmentation des avances d’auteurs ?

Le gouvernement américain a également fait témoigner cette semaine l’économiste Nicholas Hill. Le rédacteur du mémoire préalable au procès pour le compte de l’administration Biden a expliqué comment une fusion de PRH avec S&S donnerait à la nouvelle structure une part de marché si élevée sur le marché des auteurs les plus vendus que, théoriquement, cela réduirait les avances versées à ces auteurs.

Pour Markus Dohle, lqui s’était exprimé au premier jour du procès, cette théorie, qui se concentre sur « 2 % des ouvrages » édités, n’est pas fondée. Le P-DG de PRH a assuré qu’elle allait même à l’encontre de la stratégie d’entreprise pour attirer les talents. « Les histoires anecdotiques du gouvernement sur certaines acquisitions de droits où PRH et S&S étaient les deux meilleurs enchérisseurs ne reflètent qu'un pourcentage infime de la valeur réelle d’acquisitions » avait écrit dans son mémoire Daniel Petrocelli, l’avocat de PRH dans cette affaire. Plusieurs agents littéraires ont appuyé ces dires cette semaine, en les relativisant néanmoins. Par exemple l’influente Christy Fletcher a déclaré que ses clients sont des "personnes assez créatives" qui se soucient moins des montants en dollars des avances que des objectifs et des réalisations professionnelles, bien que "l'argent soit également un facteur". John Glusman, Le vice-président de Norton & CO, la plus grande maison d’édition indépendante du pays, a affirmé pour sa part qu’à son avis « une fusion augmenterait, et non diminuerait, les avances ».

L’ombre d’Amazon plane sur le procès

Pour soutenir son projet d’acquisition, PRH évoque la menace d’Amazon et plus largement des Gafam sur les acteurs historiques du secteur de l’édition. « C’est une romance », a évoqué à la barre Don Weisberg pour qui Amazon a déjà stoppé « sa concurrence agressive de 2019 ». Il a également fait valoir que les grands succès d'auto-édition comme le Kickstarter, quatre romans de Brandon Sanderson – un auteur à succès massif qui publie toujours avec plusieurs maisons du Big Five, y compris Macmillan – étaient "rares". Juste avant l’ouverture du procès, le directeur exécutif de l’Open Markets Institute, qui lutte contre les monopoles aux Etats-Unis, a déclaré au New-York Times que "leur argument est que pour protéger le marché de la monopolisation par Amazon, nous allons monopoliser le marché". Pourtant hostile à la mainmise d’Amazon notamment dans le secteur du livre, Barry Lynn estime que l'approche de PRH est « contre-productive ».

Après 10 jours d’audiences des témoins de l’accusation, le procès reprend ce lundi jusqu’à vendredi avec les témoins de la défense. Les parties pourront déposer jusqu’en septembre des « mémoires » sur des points qui n’auraient pas été abordés pendant les audiences. La juge Pan a prévu de rendre sa décision en novembre.

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