Dépeindre le monde du travail de l’intérieur peut s’avérer risqué. Même en s’abritant derrière le paravent (souvent transparent) des livres à clés, les auteurs jouent leur statut professionnel à la roulette de l’édition. Sans assurance aucune de pouvoir conserver leur place ou, à terme, d’ajouter des indemnités aux droits d’auteurs. Le Monarque, son fils, son fief - Hauts-de-Seine : chronique d'un règlement de comptes est resté tout l’été en très bonne place dans la liste des meilleures ventes. L’auteure, Marie-Cécile Guillaume , a été « remerciée » par Patrick Devedjian, es-qualités de président du conseil général des Hauts-de-Seine, qui l’a suspendue dès le 14 juin. Aurélie Boullet, alias Zoé Shepard , publie en cette rentée Ta carrière est fi-nie ! , en guise de suite à son fameux Absolument dé-bor-dée ! ou le Paradoxe du fonctionnaire (paru en 2010 avec un bandeau accrocheur : «  Comment faire les 35 heures… en un mois  »). Rappelons que, malgré les précautions prises durant la promotion de son premier ouvrage, l’auteure, qui travaillait alors au Conseil régional d’Aquitaine, a été confondue par un ancien camarade de l'Institut national des études territoriales. Certains de ses collègues se sont reconnus dans les personnages de « Simplet » de « The Boss » ou encore de « Coconne ». En mai 2010, Zoé Shepard a d’abord été suspendue de ses fonctions. Le 30 août suivant, le président de la région Aquitaine a prononcé une sanction de quatre mois d'exclusion ferme et de 6 mois avec sursis. Aux prises avec la lenteur de la justice administrative pour obtenir l’annulation de la décision, l’auteure a réintégré le Conseil régional en janvier 2011, à d’autres fonctions. Ces tribulations ne sont pas réservées à la sphère des collectivités territoriales. En 2003, Bruno Perera a été licencié pour faute grave de la CFDP, spécialisée dans les assurances, à la suite de la publication de son deuxième livre. Il avait signé   un polar, intitulé Petits meurtres entre associés , dont l’action se déroulait dans le secteur… des assurances.   Le romancier ex-assureur a saisi les prud’hommes de Lorient, appuyé par un comité de soutien. En septembre de la même année, le conseil des Prud'hommes a jugé un tel licenciement « abusif » et accordé à Bruno Perera neuf mois de salaire au titre des indemnités conventionnelles et douze mois pour rupture abusive. Frédéric Beigbeder qui, non content d’avoir hissé 99 F en tête des ventes de livres, avait lui aussi obtenu, de la chambre sociale de la Cour d’appel de Versailles, la condamnation de l’agence publicitaire qui l’avait licencié pour faute grave, lors de la sortie de son best-seller. Les magistrats avaient notamment relevé que «  si le livre intitulé 99 F écrit par M. Beigbeder (…) met en scène dans les premières pages un publicitaire qui écrit un « livre pour se faire virer » et bénéficier des indemnités de chômage, ce seul fait ne saurait, en l’absence de tout autre élément, établir que cette publication, qui constitue une satire du monde professionnel dans lequel les parties évoluent, soit la cause réelle du licenciement  ». Ils ont, de même, considéré que « prétendre que M. Beigbeder a provoqué volontairement son licenciement pour bénéficier d’une campagne de promotion avant la parution de son livre ne peut se fonder sur la seule situation de fait du héros du livre qui désire se faire licencier ; (…) en l’absence d’autre élément corroborant ce qui apparaît une hypothèse séduisante, mais seulement une hypothèse, il y a lieu de rejeter la demande reconventionnelle  » formée par l’employeur.  Seul espoir pour les employeurs : le nombre de chômeurs croit aussi vite que les ventes de livres baissent.
15.10 2013

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