Un demi-siècle après sa disparition, Agatha Christie, la « Reine du crime », fait un retour inattendu sous les projecteurs grâce à l’intelligence artificielle. BBC Maestro, plateforme de formations en ligne du média britannique, propose désormais une masterclass inédite de deux heures et demie, animée par une version simulée de la célèbre romancière, fruit d’un travail collaboratif entre son héritier James Prichard, des spécialistes et des experts en IA. Ce projet, présenté comme une première mondiale, divise déjà la communauté du livre.
Il a nécessité deux ans de développement. Un acteur, dont le visage et la voix ont été adaptés par l’IA pour ressembler à Agatha Christie, distille en onze leçons les secrets de fabrication de ses intrigues, de ses personnages et de ses décors. Le script, rédigé par le spécialiste Mark Aldridge à partir de l’autobiographie, de la correspondance et d’interviews de la romancière, a été « légèrement paraphrasé » pour fluidifier le propos, avant d’être transformé en voix par la société Respeecher.
La création de cette Agatha Christie numérique demeure un défi technique : peu de photos, pas de vidéos, et une poignée d’enregistrements audio ont nécessité un travail minutieux d’interprétation par l’actrice Vivien Keene et les équipes de Respeecher. Loin d’une simple imitation, il s’agit d’une reconstitution basée sur une étude approfondie de la voix et des gestes de l’autrice, qui par ailleurs détestait à son époque la télévision.
Entre prouesse technologique et malaise éthique
Le résultat, salué par certains comme « incroyablement fidèle » – la famille Prichard juge la représentation « saisissante » – suscite aussi des réactions contrastées. Sur la plateforme, la masterclass affiche une note de 4,6/5 et les premiers utilisateurs évoquent « l’impression d’être dans le salon d’Agatha » ou « une formidable utilisation de l’IA ». À l'inverse, certains professionnel du secteur parle d'un « effet Frankenstein », critiquant la qualité de la voix générée à partir d’archives limitées. D’autres s’interrogent sur la pertinence de ressusciter ainsi les auteurs disparus : « Ira-t-on jusqu’à demander à Platon ou Shakespeare de donner des cours grâce à l’IA ? », écrit un autre internaute.
D’autres professionnels rappellent que la démarche soulève des questions éthiques et économiques : « Peut-on et doit-on le faire ? Et quelle en est la réelle valeur ? ». En attendant d'autres resurection artificielle de grands auteurs, la démarche reste pour l'instant marginale, très couteuse, et pour l'instant peu susceptible de se généraliser.
