Je n’ai pas lu Les rêves de mon père , le livre de Barack Obama (Points, n° 2052, 571 pages, 8 €), qui se portait bien, à la fin de l’an dernier, dans les meilleures ventes de poches. Succès logique : tout le monde se demande qui est cet homme en qui l’on place un espoir peut-être démesuré. J’écris « peut-être » par prudence, et parce que l’interprétation du monde paraît moins simple aujourd’hui qu’hier. A mes yeux de myope, en tout cas, qui ne sont probablement pas les meilleurs pour ausculter l’avenir. Surtout de là où je suis…   Donc, je fais plutôt un retour vers un passé pas si lointain, l’époque où Jean-Paul Dubois sillonnait les Etats-Unis, beaucoup pour le compte du Nouvel Observateur , un peu pour celui de Géo . Et probablement surtout pour son compte propre. De 1990 à 1996, c’est le premier volume de ses Chroniques de la vie américaine – je ne m’étais penché, allez savoir pourquoi, que sur le second, quand les Editions de l’Olivier l’avaient réédité en poche : Jusque-là tout allait bien en Amérique . Je n’en ai pas encore reçu la nouvelle mouture, augmentée d’une quinzaine d’articles. Mais je viens donc de lire ce qui le précédait : L’Amérique m’inquiète (Points, n° 2105, 271 pages, 7 €).   Et j’ai envie de dire : tu parles !   (Ici, une parenthèse qui s’impose sous peine de tromper le lecteur. J’ai un faible, un gros faible, pour l’écriture de Jean-Paul Dubois. J’aime tout ce qu’il fait, qu’il raconte des conneries ou s’attache à un sujet plus grave. Tout n’est pas du même niveau, bien sûr, mais, bon, voilà : je suis un inconditionnel, c’est-à-dire prêt à pardonner d’éventuelles faiblesses – son dernier roman, par exemple, Les accommodements raisonnables , m’a semblé moins réussi, tant pis, j’attends le suivant.)   Je reviens à mes moutons. Ceux qu’on trouve sous le lit quand on n’y balaie pas trop souvent. Les horreurs qui vous sautent aux yeux quand, tout à coup, on se dit qu’il est temps de faire un tour là où l’on ne va jamais. (Je ne suis jamais allé aux Etats-Unis, je me suis contenté de les regarder depuis la rive canadienne des chutes du Niagara, j’en conviens, ce n’est pas grand-chose.)   En matière d’horreurs ordinaires, Jean-Paul Dubois est un bon détecteur. Il rencontre des gens insupportables – il y faut du courage – avant de s’enfuir à toutes jambes. Il traque l’imbécillité acceptée comme mode de pensée majoritaire. Il trouve, dans un désert, une prison qui fait penser à Guantanamo, quand personne n’y pensait encore.   Ses lunettes sont-elles déformantes ? Celles du journaliste qui ne s’intéresse pas aux trains qui arrivent à l’heure ? Ses lunettes me conviennent, en tout cas. Le myope que je suis a l’impression de pouvoir échanger les miennes avec les siennes, puisqu’il me semble comprendre…    
15.10 2013

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