La disparition. Salmane, 36 ans, célibataire, vit chez ses parents Amani et Hédi, désormais retraités, dans un HLM en banlieue parisienne, la Caverne. Alors qu'il traîne, comme tous les jours, sur le parking de la cité avec sa bande d'amis, son père débarque, l'air inquiet, pour lui annoncer une nouvelle inattendue : « Amani a fugué », sans explication, sans laisser d'adresse. Son téléphone renvoie directement sur la messagerie. Seul un petit mot écrit sur une feuille de papier déposée sous le coussin dans la chambre de Salmane est retrouvé quelques heures après la disparition : « Je dois partir, vraiment. Mais je reviendrai. Tu comprendras. Je t'aime. À bientôt, fils. » Amani avait respecté sa routine jusqu'au moindre détail : cuisiné le repas du soir, repassé le linge, fait le lit de son fils... Quelle raison peut bien pousser cette femme, « une solitaire zélée et comblée » à quitter son domicile de façon si soudaine après avoir été dévouée à sa famille toute sa vie ? Est-ce parce que Salmane et son père, habitués à ce qu'Amani prenne soin d'eux, ont négligé de lui porter attention ? Pour la première fois en cinquante années de mariage, Hédi se couche sans sa femme. Pour la première fois, Salmane pleure et voit son père en larmes. Pour la première fois, il découvre l'inquiétude et la profonde tristesse engendrées par une épreuve à affronter, et se remet en question. Ce départ pousse Salmane à se remémorer toute l'histoire du cocon familial, dont il ne tarde pas à constater les lacunes.

Le journaliste Ramsès Kefi, auteur d'À la base, c'était lui le gentil, une enquête sur les rixes adolescentes en banlieue (XXI, 2023) et dont Quatre jours sans ma mère est le premier roman, construit, dans un style à la fois juste, fin et plein de tendresse, une intrigue emplie de mystères, dont la résolution va permettre l'émancipation du protagoniste. Car si Salmane sait vaguement que ses parents se sont rencontrés très jeunes, orphelins, dans les montagnes d'Afrique du Nord, ces derniers lui ont surtout appris que sa véritable origine était en banlieue parisienne. Ils ne lui ont pas transmis leur langue maternelle, l'arabe, ont travaillé comme ouvriers et espéré pour leur fils qu'il fasse de bonnes études. Ils ont toujours chéri l'environnement dans lequel ils l'ont élevé. Salmane, qui était le meilleur de sa classe pendant toute sa scolarité, a obtenu un master d'histoire ancienne, puis, très attaché à la Caverne, a préféré travailler dans un restaurant du coin plutôt que d'en partir pour devenir professeur, au regret de ses parents.

Tandis que le père, par colère et désespoir, tente de tirer un trait sur sa femme - commençant à engager des travaux dans l'appartement pour ne pas « vivre parmi des fantômes »-, Salmane poursuit ses recherches. Au fil de sa quête et grâce au courage de sa mère, Salmane va finalement sortir de la Caverne et renouer avec ses propres origines en découvrant la réelle histoire de ses parents. Ramsès Kefi traduit avec une plume vive et sensible le parcours d'un homme qui parvient à grandir lorsque sa famille cesse enfin de renier son histoire.