"Pas carrière pour deux sous ", comme il l’explique à sa correspondante, la "grammairienne " du titre, Alain Bonnand est une sorte d’intermittent permanent des lettres françaises, qui n’a jamais capitalisé sur ses débuts "glorieuxun peu " avec Les jambes d’Emilienne ne mènent à rien (Le Dilettante, 1986) ou avec Feu mon histoire d’amour (Grasset, 1989).
Après Le testament syrien (Ecriture, 2012), des lettres adressées depuis Damas à son ami Roland Jaccard, La grammairienne et la petite sorcière signe un de ces vrais-faux retours auxquels l’écrivain, né en 1958, a habitué ses lecteurs… qui lui donne aussi épisodiquement de ses nouvelles à la faveur de nouvelles éditions : Martine résiste, des nouvelles parues au Dilettante en 1988, a été augmenté en 2003 de plusieurs textes parus dans les journaux. Il faut jouir, Edith, un texte érotique publié en 2004 par les Puf, a été repris en 2013 par la Musardine, tandis que l’auteur a fait une sélection parmi ses premiers livres pour Cécile au diable (Mille et une nuits, 2004). Le retour est ici encore une figure familière, puisqu’il s’agit à la fois d’un retour à son principal sujet : les femmes, mais également d’un retour sur un amour du passé, et, enfin, d’un retour sur un livre - Je vous adore si vous voulez (Puf, 2003) -, dédié à cette jeune femme, Sylvie, la petite sorcière… "Allumeuse de sentiments de première qualité. (Le sentiment éteignait le reste.) " Ainsi est décrite Sylvie à Adeline, une enseignante-chercheuse qui a contacté l’écrivain par mail. Pour sa correspondante de plus en plus réceptive, bien que virtuelle, il retrouve dans une malle des textes inédits datant de cette période Sylvie/Poitiers/1990, fragments qui composent les deux derniers tiers du récit.
Alain Bonnand a souvent choisi une forme épistolaire libre, qui absorbe les réponses des interlocuteurs/trices : elle est idéale pour le genre d’esprit qu’il est, amoureux de l’approche, de la parade avant, à distance. De femmes anticipées, différées, projetées. V. R.
