Roman/Brésil 1er nov. Martha Batalha

C'est une plage, un quartier de Rio, libertaire et chic, le berceau de la bossa nova, quelque chose de l'essence même de l'art de vivre carioca. Ipanema, où la nuit et le jour dansent la samba. Dans Un château à Ipanema, mélangeant avec une allégresse contagieuse le vrai et le faux, le vraisemblable et le souhaitable, le merveilleux et le tragique, la romancière brésilienne Martha Batalha compose comme un oratorio pour ce quartier qui est plus qu'un quartier, moins qu'une ville, un songe et pour son histoire. Les lecteurs des Mille talents d'Eurídice Gusmão (Denoël, 2017) savent déjà combien pour la romancière le siècle passé est comme un terrain de jeux où s'égaient l'émancipation des femmes et les diverses formes que revêt la conscience politique. Même si de manière plus ou moins métaphorique, c'est aussi de cela dont il est question dans ce nouveau roman. On y flirte avec le baroque latino, avec le réalisme magique sans jamais toutefois s'y abandonner complètement.

Soit, donc, une plage que découvre en 1904, comme aux premiers jours du monde, un homme, Johan, nouveau consul de Suède. Par amour pour sa femme, en proie à des angoisses et des hallucinations torturantes, il y construit un château, un rêve de beauté et d'harmonie. Ipanema est née. Une deuxième fois, au moins. Outre Birgit, l'épouse du diplomate, et les voix qui d'abord s'apaisent dans sa tête, il y aura Laura Alvim, qui voudrait bien faire de sa vie une représentation, être actrice. Et puis aussi Alvaro, un médecin presque trop célèbre. Il faudra cinquante ans et trois générations pour comprendre avec Octavio, petit-fils de Johan, que le sable et le vent n'ont pas apporté que les années, mais aussi le songe libertaire, presque amoureux, qui a construit Ipanema ; désormais haut lieu « mainstream » de tourisme dans un pays voué aux rigueurs de la dictature militaire. Rio n'est plus tout à fait une fête et la plume de Marta Batalha porte de façon éclatante le deuil de cette perte.

Martha Batalha
Un château à Ipanema -Traduit du portugais (Brésil) par Diniz Galhos
Denoël
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 21 euros ; 352 p.
ISBN: 9782207137567

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