3 octobre > Roman Argentine

Dans Plus léger que l’air (2011), le premier roman traduit en français de l’Argentin Federico Jeanmaire, on avait déjà beaucoup apprécié le sérieux absurde de cette histoire de nonagénaire séquestrant pendant quatre jours dans la salle de bains de son appartement de Buenos Aires un très jeune agresseur. D’une certaine manière, Vie intérieure, récit des dernières heures d’un couple venu en vacances au Mexique pour discuter de son avenir, est une nouvelle variation, moins claustrophobe, en apparence du moins, sur le thème de l’enfermement, de la solitude et de la difficile voire impossible communication amoureuse. Si le héros de l’histoire, un écrivain argentin de 50 ans, se sent pris en otage, c’est à la fois du désir clair de « sa très grande et très blanche petite amie finlandaise », une journaliste installée à Madrid rencontrée un an plus tôt, et de ses propres sentiments, beaucoup plus ambigus pour « l’aimable femme nordique » (trop) directe, (trop) franche, avec qui il passe ces quelques jours de villégiature exotique. Séparés, ils le sont dès le début : elle est malade et fait des allers et retours entre le lit et les toilettes. Il passe donc beaucoup de temps nu sur le balcon au premier étage de l’hôtel devant la cathédrale d’Oaxaca à analyser le comportement de deux gamins cireurs de chaussures installés sur la place en contrebas, qui travaillent du matin au soir sans s’adresser la parole. Et à boire, maté le matin, rhum et mezcal le soir, en s’interrogeant sur la recherche du plaisir - dans l’écriture, les voyages et les femmes - qui a toujours guidé les choix de tous « les hommes qu’il a été ». Il médite sur son amour pour « la Finlande », la mort de cet amour, et un futur compromis. Entre soin (lui procurer des médicaments, aller lui chercher du thé) et fuite dans des activités touristiques (visite des ruines zapotèques de la cité de Monte Albán), le héros ne pouvait que constater qu’« il avait toujours aimé être seul, faire cavalier seul, vivre seul ».

Indécision, culpabilité… Vie intérieure est un roman plus métaphysique que psychologique. Dans cette auto-analyse qui conduit le héros dans un temazcal, un bain aztèque rituel pour une chamanique expérience érotico-mystique, court un fatalisme ironique, détaché, qu’accentuent le rythme obsessionnel et les formulations cliniques et répétées, campé dans la tête d’un homme qui ne parvient pas à « discuter de l’indiscutable ». Véronique Rossignol

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