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Russie : un livre à l’origine de la dissolution d’une ONG en faveur des LGBT+

Photo by Andrew Burton / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Russie : un livre à l’origine de la dissolution d’une ONG en faveur des LGBT+

Le 21 avril 2022, le tribunal du district de Saint-Pétersbourg décide de fermer la fondation « Sphere ». Le principal argument ? La publication d’un livre « en contradiction avec les valeurs traditionnelles de la société russe ».

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Par Pauline Gabinari,
Créé le 25.07.2022 à 11h02

Comme un air de déjà-vu. Un an après l’interdiction de ses livres pour enfants en Hongrie, les albums de Lawrence Schimel posent problème en Russie. Pièces à conviction, ils ont été utilisés par le tribunal du district de Saint-Pétersbourg pour justifier la fermeture de l’association LGBT+, Sphere. « Bien que le livre ait une limite d'âge de "18+", son contenu vise manifestement les mineurs et promeut une attitude positive à l'égard des relations homosexuelles en famille (…), ce qui est en contradiction avec les valeurs traditionnelles de notre société », peut-on lire dans la décision de la cour datée du 21 avril 2022.

Liquidée en cinq mois

Cela faisait déjà plusieurs mois que le ministère russe de la Justice avait en ligne de mire l’association. « A partir d’octobre 2021, une inspection imprévue de l’activité Sphere a commencé. On nous a demandé plus de 5 000 pages de documentation sur une courte période », raconte la responsable de l’ONG, Dilya Gafurova. C’est à partir de là que le processus a commencé. Tandis que l’association est accusée de « semer la discorde dans la société russe en agissant en violation de la Constitution du pays », certains membres sont étiquetés « agents étrangers ». « Cette dénomination permet aux autorités russes de montrer que telle ou telle personne ou entité n'est pas digne de confiance, car elle a des affiliations "étrangères" ou reçoit des fonds de l'étranger », explique Dilya Gafurova. Deux mois plus tard, une plainte est déposée pour liquider Sphere.

C’est à partir de cette plainte que le livre From Dusk till Dawn de Lawrence Schimel est entré en action. Publié dans plusieurs pays, l’ouvrage jeunesse est diffusé et traduit en Russie par Sphere. Il raconte l’histoire de deux couples homosexuels avec des enfants. Pour le tribunal, la publicité d’un tel récit, promulguant « un mode de vie familial non traditionnel », est la preuve matérielle du danger de l’ONG. « Après l'évaluation du contrat, le tribunal estime que la fondation ne poursuit plus des objectifs caritatifs mais des objectifs politiques s'opposant à la réglementation de la vie sociétale par l'État et visant à changer les politiques publiques et la législation », écrit le tribunal avant de dissoudre l’association.

Des fermetures en cascade

Créée en 2011, Sphere fournit une aide juridique et psychologique aux personnes LGBTQIA+ dont la vie est en danger. Davantage engagée dans la protection directe des personnes, c’était la première fois qu’elle s’impliquait dans une expérience éditoriale avec From Dusk till Dawn. En tout, seulement 500 exemplaires du livre de Lawrence Schimel ont été imprimés. Les livres ont été distribués à des centres communautaires LGBT dans toutes les régions du pays, le reste envoyé aux familles LGBT +. Seize exemplaires de From Dusk till Dawn ont même été donnés aux bibliothèques publiques russes.

Malgré la colère des militants, cette décision n’a pas surpris le milieu contestataire. En réalité elle fait écho à deux autres fermetures fin 2021 : celle de l’International Mémorial et du le Memorial Human Rights Center, deux ONG de défense des droits de l’homme russes et de la mémoire des victimes de la terreur stalinienne. Ces deux associations, elles aussi, avaient été qualifiées d’« agents étrangers ».

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