Entretien

Sandrine Treiner : le livre partout

photo OLivier dion

Sandrine Treiner : le livre partout

La nouvelle directrice de France Culture, qui a débuté comme journaliste au service littéraire du Monde en 1986, a fait toute sa carrière dans le journalisme littéraire. Elle entend désormais faire sortir la radio du studio, inventer de nouveaux formats et animer la vie des idées en donnant une belle place au livre.

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Par Anne-Laure Walter,
Créé le 02.10.2015 à 02h03 ,
Mis à jour le 02.10.2015 à 10h02

Sandrine Treiner - C’est une année qui redémarre bien, pleine d’énergies nouvelles après un printemps mouvementé suite à la grève. Par un concours de circonstances, c’est la première année, depuis que je travaille à France Culture, que la grille mute autant puisque nous changeons les voix de ceux qui ouvrent et ferment la journée avec l’arrivée de Guillaume Erner pour la matinale, et du duo Mathilde Serrell et Martin Quenehen pour la tranche 19 h-20 h et l’émission "Ping pong".

Non, et d’ailleurs nous avons créé deux nouveaux rendez-vous autour de la poésie, une séance de lecture quotidienne avec Jacques Bonnaffé ainsi que "Poésie et ainsi de suite", sur les formes contemporaines d’écriture, qui dure une heure, soit deux fois plus longtemps que "Ça rime à quoi". Le mouvement vers les émissions culturelles transversales n’est pas neuf, il a une dizaine d’années. C’est d’ailleurs Marc Voinchet qui avait créé à la mi-journée l’émission "Tout arrive", qui était déjà une émission généraliste. A France Culture, nous avons vocation à explorer deux voies. D’une part, le week-end, parce que c’est un format hebdomadaire, nous programmons des émissions thématiques qui sont assez pointues, resserrées sur leur objet avec un réel travail d’approfondissement. D’autre part, en semaine, les rendez-vous quotidiens sont plus ouverts et plus transversaux. On ne s’adresse pas au même public car les usages et la qualité de concentration sont différents en fonction du moment de la semaine.

Le livre a pour moi vocation à être partout. J’en viens ! Aujourd’hui, le livre est présent du matin jusqu’au soir, comme porteur d’idées ou d’imaginaire. Le tout, c’est d’ouvrir le spectre pour qu’il y ait de la place pour toutes les productions. Que l’amateur de poésie s’y retrouve, comme le lecteur d’essais philosophiques ou l’amoureux des livres d’histoire. Le livre se retrouve aussi à travers nos fictions radiophoniques, dont beaucoup sont des adaptations. Le tome 3 de Millénium est en cours de production. Nous finalisons la signature de droits pour adapter des BD très populaires après le succès du Chat du rabbin sur notre antenne. J’adorerais qu’on entende pendant une semaine le dernier Amélie Nothomb, Le crime du comte Neville.

Je pense qu’il faut inventer des formes, qu’il faut parier sur la qualité et sur la singularité éditoriales. Nous avons l’ambition de raconter le monde moderne. La chaîne doit affirmer clairement sa place dans le débat d’idées. Je voudrais que nous animions davantage encore la vie des savoirs et des connaissances, à l’antenne bien sûr mais aussi dans l’espace public. France Culture est une radio qu’on écoute, une radio qui non seulement se podcaste mais se décline sur le Web, et une radio qui doit sortir à la rencontre des auditeurs pour leur apporter, là où ils sont, des éléments d’appréciation du monde.

Nous nous associons avec le théâtre de l’Odéon, à Paris, pour sept soirées, portées par Sylvain Bourmeau, avec des écrivains étrangers. La première se tiendra le 5 octobre avec Ian McEwan, son traducteur et un comédien en lecture. Ces rencontres en public seront ensuite diffusées en série dans la grille d’été. J’ai un merveilleux souvenir de rencontres que nous avions organisées, l’une avec Salman Rushdie au Conseil économique, social et environnemental et l’autre avec Patrick Modiano au théâtre de la Ville, et je suis en discussion avec des partenaires pour créer des master class en littérature à l’image de celles de James Lipton dédiées au cinéma. Ce format permet de se pencher sur l’ensemble d’une œuvre et de sortir de la promotion. Nous ferions le lien avec le monde universitaire, et les étudiants pourraient être force de questionnement.

Nos auditeurs ne sont pas si âgés ! L’âge moyen est de 56 ans, ils ont encore 30 ans à vivre. Je suis enchantée de la transformation de ce prix annuel en un grand voyage participatif en France. Dix romans sont sélectionnés dans les rentrées littéraires, les romanciers partent en tournée dans les librairies des villes universitaires pour rencontrer les étudiants. Les précédents lauréats ont été Maylis de Kerangal et Eric Reinhardt. Nous réfléchissons aux moyens de faire vivre à l’antenne cette initiative. Il y a un travail qui ne peut se faire qu’en studio, le lieu naturel de la radio, mais nous avons appris, et pas uniquement pour le documentaire, à aller travailler dehors. Nous allons continuer dans cette voie.

 

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