11 JANVIER - HISTOIRE Hongrie

Les portes du camps de Dachau.- Photo DR

"Noyées dans le désespoir, nous restons assises toute la journée dans notre coin. Nous sommes trop fatiguées pour parler. De toute façon, qu'aurions-nous à nous dire ?" Eva Langley-Dános fait partie de ces soixante-quinze femmes agonisantes entassées comme du bétail dans ce wagon qui devient leur enfer. Elle a 26 ans et elle pèse vingt-six kilos. Les nazis ont fait partir ce convoi de Ravensbrück. Destination inconnue. Pendant seize jours, ces femmes hongroises et polonaises, juives ou non, vont connaître l'horreur : l'entassement au milieu des excréments, la faim, la soif, le retour à la bestialité pour certaines, la folie pour d'autres, et la mort qui prend le pouvoir.

"Klara est la première d'entre nous sur laquelle je discerne les signes avant-coureurs de la mort et cela me remplit de peur. Discrètement j'attire l'attention de Lili sur ses pieds gonflés et son visage squelettique. Lili aussi pense maintenant qu'une de nous quatre ne parviendra jamais au terme de notre voyage."

Parmi ces quatre amies hongroises, deux, Lili et Hanna, ont participé à cette expérience spirituelle connue sous le nom de Dialogues avec l'ange, qui fut un immense succès de librairie dans les années 1970. Gitta Mallasz la catholique, qui assistait à ces séances, traduisit ces conversations en français au cours desquelles un ange dispensait sa sagesse à trois Juives qui se cachaient du régime antisémite de Horty.

Eva Langley-Dános sera la seule survivante. Mais surtout son texte est l'un des rares témoignages sur ces trains de déportés qui erraient de camp en camp dans les toutes dernières semaines du IIIe Reich.

Ce document exceptionnel, rédigé à la hâte après la guerre, fut publié en version abrégée dans un hebdomadaire du haut Doubs en 1948, puis sous forme de livre en anglais en 2000. Eva raconte de l'intérieur cette prison roulante avec force détails. Elle n'en rajoute pas. Il lui suffit de décrire pour faire comprendre la situation épouvantable d'où surnagent quelques chants yiddish : les cadavres qui servent d'oreillers, l'arrêt à la gare de Bayreuth, les bombardements et le rituel "Combien de morts ?" demandé par les SS à chaque étape. Elles sont quarante-cinq à leur arrivée à Dachau, où elles seront libérées le 29 avril 1945.

Préfacé par Françoise Maupin et Patrice Van Eersel, qui replacent l'ouvrage dans l'histoire des Dialogues avec l'ange alors qu'il la dépasse de très loin, le livre est augmenté d'une postface de Robert Hinshauw, qui donne tous les éléments biographiques sur Eva Langley-Dános. Laquelle mourut en 2001 en Australie, où elle avait refait sa vie après avoir côtoyé de si près la mort. Et de ce livre poignant, de ces destins brisés, de ces femmes écrasées, on retiendra l'image d'une jeune fille de 17 ans qui martèle la paroi du wagon pour qu'on vienne en aide à sa mère mourante. En vain. D'où ce commentaire d'Eva Langley-Dános : "Il n'y a pas de miséricorde."

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