12 mars > Histoire France

Fruits défendus, socialisme et sensualité. Beaucoup penseront à Dominique Strauss-Kahn. Mais il n’en est pas plus question dans cet essai tiré d’un travail universitaire que de président casqué. Thomas Bouchet, déjà auteur d’une enquête sur l’insulte en politique de la Restauration à nos jours (Noms d’oiseaux, Stock, 2010), distingue le socialisme du Parti socialiste. Il nous entraîne du côté de Fourier et de Blum, de ceux qui ont tenté une synthèse des idéologies avec les idées au lit.

Alors le socialisme est-il un sensualisme ? Peut-on parler de "sexialisme" ? Pas vraiment parmi les utopistes, sauf chez Fourier qui estimait qu’"un coït modéré avant les repas facilite l’appétit et la digestion". On s’amusait pourtant moins qu’on pourrait le penser dans ses phalanstères avec ses orgies de comptable.

Pour Thomas Bouchet, tous ces discours masculins sont plutôt peine-à-jouir. "L’éventail des discours socialistes sur la sensualité est peu ouvert. La plupart d’entre eux traduisent une défiance vis-à-vis des sens." Le mot d’ordre de Proudhon est clair : l’homme doit dompter sa chair. Les féministes lui répondent : "La propriété c’est le viol." Paul Lafargue, lui, invite le prolétariat "à ne travailler que trois heures par jour, à fainéanter et bombancer le reste de la journée et de la nuit". Le gendre de Karl Marx veut alerter les socialistes : le piège n’est pas le sexe, mais le travail…

Au XXe siècle, malgré les anarchistes et les communistes déviants comme Roger Vailland, le puritanisme ne disparaît pas. Les années 1950 se résument dans le Bonjour tristesse de Sagan. Cela finit par le "Prolétaires de tous les pays, caressez-vous !" des années 1970. Et on redécouvre Fourier…

Thomas Bouchet nous ouvre les portes d’un magasin pittoresque, avec des idées curieuses, des anecdotes truculentes et une galerie d’utopistes autant travaillés par les ouvriers que par les ouvrières. Pour cet enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l’université de Bourgogne, "les points de vue socialistes sur la sensualité disent l’une des vérités des socialismes". Est-ce pour cela que les socialistes ont toujours été ambivalents avec le régime des parties, intimes évidemment…

L. L.

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