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Si le grain ne meurt

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Si le grain ne meurt

Chaque mois, notre chroniqueur Jean-Claude Perrier flâne dans les rues du Quartier latin, souvent le nez en l’air, sur les traces d’un écrivain, d’un éditeur, d’une librairie, sans se priver de saluer des créations, ni de moquer les travers de notre époque, en particulier son charabia.

Une librairie qui se crée, c'est comme une graine que l'on plante en terre au milieu du désert. Et « si le grain ne meurt », comme disait Gide. Eût-il été encore de ce monde, l'écrivain aurait adoré l'idée, et serait sûrement venu musarder dans les rayons de la Pharmacie des Âmes. En voisin, puisqu'il a habité durant vingt-cinq ans sur le même trottoir, à 100 mètres, au 1 bis rue Vaneau. Un grenier fréquenté par toute l'intelligentsia NRF de l'entre-deux-guerres : Martin du Gard, Schlumberger, Malraux, Sartre, Camus, Saint-Exupéry...

Ici, on est proche de l'ancien faubourg Saint-Germain, avec ses hôtels particuliers aristocratiques, souvent devenus des ministères ou des ambassades. Ce qui n'est pas le cas de l'hôtel de Chanaleilles, l'un des plus beaux, presque en face de la librairie. Une « folie » Louis XVI construite vers 1770 pour le duc du Maine, qui fut ensuite la demeure de madame Tallien, pour finir par être rachetée, dans les années 1950, par l'oligarque grec Stavros Niarchos, lequel la fit « agrandir ». Revendu depuis, l'hôtel blanc est toujours privé, fermé, mystérieux...

La Pharmacie des Âmes était donc une pharmacie, qui a déménagé un peu plus bas. En guise de clin d'œil, le nouveau propriétaire, à savoir le bouillonnant homme d'affaires Ramdane Touhami, a conservé une croix verte lumineuse dans la vitrine mais, à y regarder de près, ses bras sont constitués de petits livres ouverts.

Inaugurée depuis peu, la Pharmacie des Âmes propose aux habitants du quartier, peu gâtés en librairies, environ 6 200 références sur 75 m2, essentiellement des livres de poche, en français et aussi un peu en anglais. « Ça plaît beaucoup, notamment aux jeunes, et pas seulement du coin », raconte Samuel, le libraire de 29 ans, qui a fait ses classes durant quatre ans aux Cahiers de Colette, un label de qualité. Et de poursuivre : « Nous sommes une librairie généraliste universelle, engagée sur les grands sujets de société. Nous mettons l'accent sur les premiers romans, les éditeurs indépendants, les revues. » On y trouve aussi bien des classiques et, bientôt, les premiers titres des Nouvelles éditions du réveil, également lancées par Touhami avec une équipe de jeunes éditeurs enthousiastes. Et même, sur la cheminée conservée, comme les boiseries d'origine, une édition limitée du manga le plus populaire au monde : ONEPIECE, une œuvre d'Ilan Manouach, artiste conceptuel grec, un livre-objet publié chez JBE Books. Tiré à 50 exemplaires, vendu à 1 900 euros.

Pas de quoi effrayer une partie de la clientèle, celle qui acquiert des biens à 7 chiffres dans les agences immobilières voisines. Les lycéens de Victor-Duruy, eux, s'offrent des poches. Un ado qui lit, c'est comme un arbre qui pousse. Si le grain ne meurt.

 

La Pharmacie des Âmes, 25, rue Vaneau, Paris 7e. Ouvert du mardi au dimanche de 11 h à 20 h.

25.04 2023

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