Nouvelles/États-Unis 7 mars David Grann

Journaliste au New Yorker depuis 2003, David Grann, né à New York en 1967, est l'un des héritiers de ce « nouveau journalisme » américain qui a tout changé dans la presse, et pas seulement aux Etats-Unis, parce qu'il a décidé un jour de prendre le réel à bras-le-corps, et que ses adeptes auraient le temps et les moyens de travailler sur des sujets qui les passionnent, dussent-ils y consacrer plusieurs années. Souvent, le résultat est si fouillé et si romanesque, quoique toujours impeccablement documenté, et si littéraire, qu'il devient livre, long ou court. C'est le cas pour la production de David Grann, auteur de véritables novellas - tout en insistant sur le fait que tout ce qui y est raconté est authentique et qu'il a lui-même rencontré les protagonistes lorsque c'était possible. Certaines ont déjà été publiées en France, chez Allia principalement, d'autres sont inédites. Et deux de ses reportages, The old man and the gun et La note américaine, qui ne figure pas ici, ont été adaptés au cinéma par les plus grands.

Rangées en trois parties thématiques, les douze enquêtes de Grann sont explicitement placées sous le haut patronage de Sherlock Holmes. Non point parce qu'il aurait pu être journaliste, ni parce que son admirateur d'aujourd'hui résout lui-même les affaires sur lesquelles il travaille, mais parce que les deux détectives, chacun à sa façon, se sont trouvés confrontés au mal absolu, à la perversité totale, à ce que l'humanité peut fabriquer en tant que pires spécimens : ainsi ce Krystian Bala, auteur d'un roman sulfureux, Amok, une espèce de Houellebecq polonais, qui annonçait dans son livre, masqué derrière son héros, le crime atroce qu'il allait commettre sur Dariusz Janiszewski pour une banale histoire de jalousie. Il y a encore cette Fraternité aryenne (The Brand), société secrète d'une cruauté impitoyable, qui a noyauté toutes les prisons américaines en y faisant régner la terreur et exécuter des dizaines, voire des centaines d'autres détenus, par racisme ou juste parce qu'ils déplaisaient à ses différents caïds.

Toutes les histoires ne sont pas aussi sombres, et l'on finit par éprouver une certaine tendresse pour certains des « cas » soulevés par Grann. Ainsi le Français Frédéric Bourdin, manipulateur aussi génial que dément, Fregoli capable de se glisser dans la peau de n'importe qui, même, à 30 ans, de se faire passer pour le fils prodigue dans une famille américaine endeuillée, et qui finit, repenti, en respectable mari et père de famille.

Tout est bien mis en situation, décrit avec minutie, façon « creative writing », et David Grann n'hésite pas à raconter comment il est entré en contact avec ses « héros », ceux qui les ont traqués, voire leurs victimes, prenant parfois des risques. C'est noir, très noir, passionnant, et il s'en tire avec tous les honneurs.

David Grann
Le diable et Sherlock Holmes - Traduit de l’anglais par Johan-Frédérik Hel Guedj.
Éd. du sous-sol
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 23 euros ; 464 p.
ISBN: 9782364683860

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