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Sur la route de La Rochelle/4 : Librairie de Paris, encore verte

cécile charonnat

Sur la route de La Rochelle/4 : Librairie de Paris, encore verte

En route de Lille à La Rochelle, où se tiendront les 4es Rencontres nationales de la librairie les 25 et 26 juin, Livres Hebdo marque une avant-dernière étape à Saint-Etienne, où Rémi Boute et Alexandra Charroin-Spangenberg rajeunissent la quinquagénaire Librairie de Paris, qu’ils ont reprise en novembre dernier.

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Par Cécile Charonnat,
Créé le 09.06.2017 à 01h32 ,
Mis à jour le 09.06.2017 à 09h44

Adepte depuis le départ des Rencontres nationales de la librairie (RNL), parce que c’est un "moment où l’on peut se poser et réfléchir sur son magasin mais aussi sur soi", Alexandra Charroin-Spangenberg sera à La Rochelle les 25 et 26 juin, mais cette fois-ci "du côté obscur de la force". Invitée à témoigner de son expérience lors de l’atelier portant sur la réussite d’une reprise ou d’une cession de librairie, la copropriétaire, avec Rémi Boute, de la Librairie de Paris, à Saint-Etienne, rachetée fin novembre 2016, n’a pas hésité une seconde. "Si nous sommes partis un peu la fleur au fusil, aujourd’hui nous maîtrisons le sujet de la transmission, assure la trentenaire. Et mutualiser cet acquis reste une bonne manière d’aider les autres."

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En partageant son expérience, Alexandra Charroin-Spangenberg aura le sentiment de rendre une partie des appuis et des soutiens dont les deux associés ont bénéficié lors du processus de rachat qui a duré presque deux ans. Tous deux étaient salariés du magasin, depuis plus de vingt ans pour Rémi Boute, et entre 2005 et 2007 puis ensuite depuis octobre 2015 pour Alexandra Charroin-Spangenberg. Cette dernière a entre-temps travaillé à Préface à Firminy, Croquelinottes à Saint-Etienne et la papeterie Lavigne à Montbrison, où elle a entièrement créé le département librairie avant de prendre la direction de la Librairie de Paris. Lors de la reprise, il leur a d’abord fallu lâcher le costume de libraire de terrain pour endosser celui "d’entrepreneur et de dirigeant". "Nous avons dû appréhender un univers juridique, comptable et managérial que nous ne soupçonnions pas", pointent Alexandra Charroin-Spangenberg et Rémi Boute. Une mue "pas forcément évidente", qui a "sans doute rallongé la durée de la transmission", admettent les libraires.

Des "anges gardiens"

L’autre étape nécessaire, et qui a pris du temps, a consisté à "rendre la reprise possible sans se mettre en danger", complètent les associés. Ils se sont entourés d’experts, comptable et avocat notamment, qu’il a fallu commencer par convaincre. "Ne connaissant pas le modèle économique de la librairie, ils nous prenaient pour des fous", se souviennent les deux libraires. Ils ont également sollicité beaucoup de confrères, une démarche facilitée par l’adhésion à l’association Libraires en Rhône-Alpes, dont Alexandra Charroin-Spangenberg est secrétaire. François Chazelle (Raconte-moi la Terre, Lyon), Alain Bélier (Lucioles, Vienne) ou François Veyrié (Nouvelle librairie Baume, Montélimar), qui leur a notamment prodigué une formation en management, ont "pris le temps de les recevoir" et font désormais partie, au même titre que le consultant Michel Ollendorff, des "anges gardiens de la librairie", se félicite le duo.

Long, émaillé de rebondissements, mais finalement "pas si difficile", le processus a abouti à une "situation qui n’aurait pas pu être plus favorable", se réjouissent Alexandra Charroin-Spangenberg et Rémi Boute. S’ils ont déboursé 750 000 euros pour acquérir la librairie, ils se sont appuyés sur un apport personnel de 100 000 euros, ont reçu le soutien de l’Adelc et du CNL, qui ont apporté respectivement 200 000 euros et 140 000 euros sous forme de prêts et de subventions, et ont négocié un crédit vendeur à hauteur de 150 000 euros de la part de Denis Vernet, leur prédécesseur, qui a contribué à "dérider tout le monde". En interne, le rachat a également été bien accueilli, les 25 salariés appréciant "qu’il y ait du changement", notent les nouveaux propriétaires.

L’un de leurs premiers objectifs, une fois "le nez sorti du guidon de la reprise", consiste en effet à redonner de l’allant à la Librairie de Paris et à "montrer que ce n’est pas qu’une grand-mère sympathique, qu’elle a un avenir et que son existence est importante pour le centre-ville", revendique Alexandra Charroin-Spangenberg. Créée en 1961 par Pierre Vernet et Jean-Louis Ravel, et dirigée de 2005 à 2016 par Denis Vernet, la Librairie de Paris souffre d’une image désuète et conservatrice, tant auprès des Stéphanois que de l’interprofession. Son agrandissement en 2012, impulsé par le directeur d’alors, Jean-Jacques Champier, n’a pas réussi à la gommer complètement. Si les 500 m2 gagnés il y a cinq ans offrent un visage moderne et soigné, la partie plus ancienne du magasin reste vieillotte. Elle devrait, à moyen terme, être rénovée. Surtout, la librairie doit s’affranchir d’une sorte de "repli sur soi. Denis Vernet savait faire fonctionner ce navire et lui faire prendre les grands tournants, telle l’informatisation, l’arrivée de la vente en ligne et du livre numérique, mais il peinait, notamment dans les dernières années, à faire évoluer son magasin et à l’animer", diagnostiquent les deux associés.

Depuis janvier, Rémi Boute, qui connaît parfaitement le territoire, s’emploie donc à ouvrir la Librairie de Paris aux acteurs locaux, médiathèques, clubs de lecture, institutions et associations, à l’ancrer dans le tissu culturel riche et dense, porté notamment par un opéra, un centre dramatique national et la Cité du design, et à muscler les animations, poussé par la conviction que "le salut de la librairie viendra de sa capacité à créer des événements et à animer autrement les rencontres".

Visibilité du fonds

Parallèlement, une réimplantation du magasin est engagée, qui devrait aboutir cet été. Il s’agit pour Rémi Boute et Alexandra Charroin-Spangenberg de répondre au départ de la Fnac, installée depuis le 20 mai dans la zone commerciale de Monthieu. La littérature et la bande dessinée seront davantage mises en valeur. Le pratique, éparpillé dans différents secteurs du magasin, sera rassemblé sur une seule zone, et la visibilité du fonds, qui constitue la "véritable force de la Librairie de Paris", pointe la directrice, sera accentuée. Le système de réservation en ligne devrait aussi rapidement intégrer le site Internet de l’enseigne. Dernier axe de travail, la gestion affinée du magasin et de l’activité de grossiste, qui représente un tiers du chiffre d’affaires. "Ce n’est pas notre cœur de métier et nous cherchons en premier lieu à consolider la librairie, plaide Alexandra Charroin-Spangenberg. Mais cette activité nous permet d’employer sept personnes et nous assure notre trésorerie, sans compter le service que l’on offre à ces petits points de vente dont les gros distributeurs ne s’occupent pas forcément."

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