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Tendance Négative : le livre comme terrain de jeu visuel et engagé

De gauche à droite : Romain Bigay (chercheur), Florian Targa (traducteur), Clément Buée (graphiste), et Corentin Sparagano (professeur d'histoire) - Photo Tendance Négative

Tendance Négative : le livre comme terrain de jeu visuel et engagé

Dans « Que fait la police ? », leur nouvelle collection, les éditions Tendance Négative prolongent une ligne éditoriale portée sur la lutte sociale et l'expérimentation graphique. 

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Par Léon Cattan
Créé le 24.04.2023 à 15h45 ,
Mis à jour le 25.04.2023 à 12h43

Un livre sur un petit homme qui rapetisse progressivement, les pages du Horla qui se dédoublent et celles de L’Étrange Histoire de Benjamin Button, qu’il faut lire à l’envers avec un marque-page miroir… Depuis leur création en 2012, les éditions associatives Tendance Négative proposent de redécouvrir des classiques de la littérature internationale à travers des productions graphiques voulant coller au plus près du fond des récits.

Leur catalogue, alimenté à hauteur d’une publication par an, vient d’être enrichi d’une nouvelle collection : « Que fait la police ? », inaugurée par la parution de Jugée par ses paires le 5 mai 2023. Jamais traduite en français, la nouvelle de Susan Glaspell, lauréate du prix Pulitzer 1931, est un « anti-polar » sur une femme accusée d’avoir tué son mari. Elle se lit sur du papier jaune agencé façon calepin de détective, avec un jeu sur la typographie pour coller aux caractères des personnages.

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Jugée par ses pairs paraîtra le 5 mai 2023.- Photo TENDANCE NÉGATIVE

« On a choisi ce texte pour son contenu politique », raconte Clément Buée, graphiste et cofondateur de Tendance Négative. « Cette histoire de sororité et de protection face aux violences sexistes a mis tout le monde d’accord dans l’équipe », composée de quatre personnes à temps plein. « On ne voulait pas rééditer des polars qui consolident le soft power de la police. » Préfacé par Irene, autrice de La Terreur féministe (éditions Divergences, 2021), l’ouvrage a fait l’objet de soins particuliers en termes de traduction. La traductrice Marine Boutroue explique : « Susan Glaspell utilise sa plume pour dévoiler par la langue des mécanismes de domination. Traduire en féministe, ce n’est pas faire autre chose. C’est produire des imaginaires qui ne travaillent pas à reproduire, perpétuer ou créer des violences. C’est affirmer le féminin dans la langue»

Un projet politique dans le fond et la forme

Elle est également à l’origine de la traduction du Papier peint jaune (1892) de Charlotte Perkins Gilman, parue chez Tendance Négative dans la collection « Bonnes nouvelles ». Ce faux journal intime d’une femme en post-partum se lit tout en ombres chinoises, en sectionnant certaines pages au moyen d’un couteau pour révéler toute l’aliénation et la détresse de sa protagoniste.

Si les œuvres choisies par la maison d’édition sont des novelas libres de droit, elles sont sélectionnées avec minutie, et alimentent un projet politique en résonance avec ses méthodes de production : « Nous imprimons en France pour des raisons écologiques et nous sommes tous bénévoles. Donc nous devons composer avec notre situation économique en trouvant des manières de la contourner », rappelle Clément Buée. D’où la création de cette nouvelle collection en 2023, pour réaffirmer la présence de Tendance Négative en librairie et pousser sa ligne éditoriale dans de nouvelles directions, plus axées sur la typographie que la forme du livre en elle-même. « Dans tous les cas, nous voulons que ça reste accessible, affirme le graphiste. D’abord en vendant nos livres à prix coûtant, mais aussi à travers le jeu sur la forme, qui permet d’amener la lecture à des publics éloignés de ce monde-là. »

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