« Aujourd’hui, nous avons besoin de vous pour sauver La Librairie ! ». Cet appel à l’aide, lancé par Amélie Georgin et Lysiane Ozanic, fondatrices de La Librairie à Toulouse, se veut le dernier rempart aux difficultés financières auxquelles l’enseigne est confrontée. Lourdement affectée par un déficit de trésorerie causé avant même son ouverture en novembre 2024, celle-ci pourrait ne pas se relever. C’est donc en toute transparence que ses deux gérantes ont partagé leurs difficultés sur la plateforme de financement participatif Ulule, invitant leur clientèle à apporter son soutien.
Une trésorerie en danger
Jusque-là, Amélie Georgin, ancienne manager dans différents secteurs, et sa compagne, Lysiane Ozanic, ostéopathe indépendante, avaient réussi - au prix d’heures de travail innombrables et non rémunérées -, à maintenir le navire à flot. Mais la période estivale, synonyme de ralentissement d’activité, a finalement « eu raison de cet équilibre financier précaire », expliquent les libraires.

Pour comprendre l’origine de ces difficultés, il faut revenir en septembre 2024. À l'époque, les travaux du local d’environ 100 m², idéalement situé dans un quartier historique de la ville Rose, sont presque terminés. Mais à quelques jours de l’inauguration, les deux libraires constatent que certaines zones de l’établissement ne sont pas conformes aux normes de sécurité en vigueur.
Une cagnotte participative pour combler le déficit
Résultat, elles sont contraintes de débourser 15 000 euros supplémentaires et de repousser la date d’ouverture de l’enseigne de deux mois. Un retard qui a privé La Librairie d’une « d’une période génératrice d’activité, la rentrée littéraire, mais également d’une présence commerciale quelques semaines avant les fêtes de fin d’année ». D’après Amélie Georgin, cette absence a causé un manque à gagner d’environ 35 000 euros, marquant des débuts difficiles pour la librairie, dont la trésorerie initiale a donc été amputée de 50 000 euros en totalité.
Avec le lancement d’une cagnotte de financement participatif, les deux libraires espèrent redonner un souffle à leur trésorerie et résorber le déficit actuel. Pour durer dans le temps, un premier palier de 20 000 euros doit être atteint dans un délai de 45 jours. À défaut, les contributions retourneront à leurs donateurs.
Si un second palier est franchi, les libraires prévoient d’allouer 20 000 euros à l’achat et au réassort de livres en prévision des fêtes de fin d’année. Les 10 000 euros restants, sur les 50 000 espérés, seraient investis dans l’acquisition de jeux ludo-éducatifs, de jouets et de papeterie, une offre complémentaire qui permet à la librairie de dégager des marges plus importantes.
« Les livres d’une librairie sont autant de regards sur le monde »
À son ouverture, la librairie n’a bénéficié d’aucune subvention des instances officielles du livre. Les libraires ont uniquement obtenu un prêt personnel de 20 000 euros, accordé par le Réseau Initiative Haute-Garonne et la BPI, qu’elles remboursent depuis février, en parallèle d’un emprunt bancaire de 140 000 euros à rembourser sur sept ans. Pour maintenir l’équilibre, Amélie Georgin et Lysiane Ozanic, ont d’ailleurs choisi de ne pas se verser de rémunération.
« Quand nous avons voulu ouvrir notre librairie, on nous a dit que le tissu toulousain était déjà dense, qu’il ne fallait pas y aller. Nous n’étions pas d’accord avec cela. Est-ce que parce que le secteur de la librairie va mal, cela signifie que nous ne devons plus ouvrir de librairie ? Pour nous, il s’agit plutôt de faire preuve de souplesse et d’agilité, en nous adaptant à l’évolution des usages, et en proposant une offre différente de celle des autres enseignes », se défend Amélie Georgin, convaincue que « les livres d’une librairie sont autant de regards sur le monde ».
« Pour survivre, la librairie doit se remettre en question »
Animée par l’esprit d’entreprise, la libraire refuse d’imputer ses difficultés à la seule conjoncture économique ou à la précarité structurelle du secteur. Pour elle, le modèle de la librairie « pour survivre, doit se remettre en question ». C’est pourquoi, depuis l’ouverture, les deux gérantes se sont attachées à respecter neuf conditions qu’elles jugent essentielles, parmi lesquelles disposer d’un espace suffisant pour affirmer une ligne éditoriale forte, proposer chaque mois une programmation événementielle riche et variée, et maintenir une présence active sur les réseaux sociaux afin de tisser un lien solide avec leur clientèle.
« Qui mieux que nos clients, qui ont expérimenté la librairie dans son fond et sa forme, pour nous aider ? interroge Amélie Georgin. Nous avons ouvert cette librairie pour la ville et pour les gens. C’est pour cela que nous avons tenu à être aussi transparentes que possible. Les gens adhèrent davantage à des projets qui ont du sens pour eux. Il leur appartient désormais de choisir ce qui leur paraît juste. »