Essai/France 31 octobre Maurice Ravel

Imaginez une malle, pleine de papiers, d'articles, de textes et surtout de lettres. Imaginez que vous classiez tout cela, dans la mesure du possible, par ordre chronologique. Imaginez enfin que vous recherchiez des éléments sur tous les noms cités, les destinataires des courriers, etc., vous finiriez par faire émerger une personnalité de ce massif documentaire. Tout cela, Manuel Cornejo l'a fait pour Maurice Ravel (1875-1937).

Certes il n'y a pas tout puisque l'on estime à plus de 3 500 lettres la correspondance de l'auteur du Boléro, mais il y a tout ce qui subsiste et qu'il a été possible de collecter dans les archives, les bibliothèques et les fonds privés, soit 1 850 missives. Ajoutons-y des articles, des interventions et l'on aura une idée de ce qui est proposé pour la première fois au public.

De ce monument épistolaire surgit un homme passionné. D'abord par la musique dont il dit qu'elle fut sa « seule maîtresse ». Toutes ces lettres en sont irriguées. Viennent ensuite les musiciens de l'époque, aujourd'hui un peu oubliés, comme Ernest Chausson, Vincent d'Indy, Florent Schmitt, Gabriel Pierné, André Caplet ou Déodat de Séverac. Mais il y a aussi ceux que la postérité a plus choyés, tels Claude Debussy, Gabriel Fauré, Manuel de Falla ou Igor Stravinsky. Ravel lui écrit le 26 septembre 1914 : « Que devenez-vous au milieu de tout ça ? On n'a pas voulu de moi. » Trop chétif selon les autorités. Il finira tout de même par être engagé comme conducteur de camions.

Dans ce monde musical bouleversé lui aussi, Ravel observe, compose, s'impose. De son papier à en-tête du Belvédère à Montfort-l'Amaury, avec le lettrage - presque un logo - très Bauhaus, les missives partent chez les plus grands musiciens. Dans les articles ou les entretiens, Ravel montre sa simplicité et son humour. Il juge par exemple le Parsifal de Wagner moins divertissant que La vie parisienne d'Offenbach, mais plus distrayant que la Messe en ré de Beethoven. En 1928, il annonce : « Le jazz n'est pas destiné à mourir, il survivra, au contraire, et c'est par lui que commencera la musique américaine. »

Alors oui, on voit bien apparaître le caractère de Ravel dans cette « intégrale », notamment dans les lettres touchantes adressées à sa mère. Mais c'est surtout une plongée fascinante dans un milieu en pleine mutation.

Maurice Ravel
L’intégrale : correspondance (1895-1937), entretiens, écrits et textes divers
Le Passeur
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 45 euros ; 1 840 p.
ISBN: 9782368905777

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