24 mai > Biographie France > Benoît Franquebalme

Raciste, profondément réactionnaire, misogyne autant que phallocrate, d’une vulgarité sans faille, fasciné par l’argent et la démonstration ostentatoire de son très sûr mauvais goût, Gérard de Villiers avait a priori tout pour plaire. Pourtant l’homme aux plus de 100 millions de livres vendus de sa série SAS (ce qui en fait probablement, après Frédéric Dard, l’auteur français le plus populaire de l’après-guerre) était sans doute dans le même temps son pire ennemi. Cet enfant égaré d’une aristocrate déclassée, gamin élevé à la loi des rues, était né de père inconnu (qui s’avérera finalement être le dramaturge Jacques Deval, l’auteur acclamé de quelques grandes pièces de boulevard, dont Tovaritch, après la reconnaissance - à tous les sens du terme - duquel de Villiers courra toute sa vie). C’est tout le mérite - et il n’est pas mince - de l’impeccable biographie du père de SAS que nous donne aujourd’hui le journaliste Benoît Franquebalme, sans rien omettre de l’antipathie qu’il peut légitimement susciter, de dresser un portrait en ombres chinoises. Pas un portrait en réhabilitation, mais celui d’un homme riche aussi de ses nombreuses complexités. Gérard de Villiers était avant tout le fruit de son temps et somme toute un précurseur inattendu du libertaire Mai 68, que bien sûr, par ailleurs, il faisait mine d’exécrer. Prince et voyou à la fois (un peu comme son personnage fétiche, ce Malko Linge, improbable aristocrate autrichien vendu à la CIA par anticommunisme et nécessité d’entretenir son château familial), il ne laisse rien, et surtout pas la morale ou la décence, restreindre sa liberté. C’est ce qui en fera des années durant pour France Dimanche (où il nouera une amitié qui ne se démentira pas jusqu’à sa mort avec Claude Lanzmann) l’un des plus redoutés reporters français. Quelques chanteuses, actrices ou têtes couronnées en ont gardé un cuisant souvenir. Dans le même temps, SAS, "produit" de commande pour pourvoir à la disparition de Ian Fleming et de James Bond, l’impose comme le pape du roman d’espionnage à la française. Il faudra de nombreuses années et un article du New York Times paru quelques mois avant sa disparition pour que l’intérêt réel géopolitique de ses romans soit enfin reconnu. O. M.

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