9 février > Histoire de l’art Suisse > Jacob Burckhardt

Le professeur Carl Jacob Christoph Burckhardt (1818-1897) n’a guère quitté sa bonne ville de Bâle, excepté pour voyager ou séjourner à Rome, entre 1838 et 1854. S’inscrivant dans la tradition du Grand Tour, si cher aux Anglo-Saxons et aux Germains du XIXe siècle, bercés de culture antique, et romantiquement sensibles à la poésie des ruines, et, partant, à toute la production artistique des siècles passés. "L’œil croirait voir ici et dans d’autres monuments grecs, écrit Burckhardt, non pas de simples pierres, mais des êtres vivants."

De l’Italie, son Italie, il a acquis, in situ, une connaissance encyclopédique, et il a décidé, à la suite de son dernier voyage, de la rassembler et de la transmettre dans un ouvrage intitulé Le Cicerone - mot forgé d’après le nom de l’illustre Cicéron, qui apparaît en 1739 sous la plume du président de Brosses. L’auteur le présente, avec cet humour et cette modestie qui font son charme - ainsi que ses jugements à l’emporte-pièce -, comme "ce gros petit livre", non point un guide touristique, ni une histoire de l’art, ni un récit de voyage, mais un peu tout cela à la fois, écrit aux deux tiers durant ses périples. "On ne parle que de ce qu’on a vu", explique-t-il.

LeCicerone est organisé en trois grandes parties thématiques : architecture (et non archéologie, même si ses descriptions des monuments antiques n’en sont pas éloignées), sculpture et peinture. A l’intérieur de chaque ensemble, un déroulé chronologique, de l’Antiquité au baroque, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Burckhardt assume ses choix et ses lacunes : "J’ai négligé des catégories entières d’œuvres d’art, que ce soit parce qu’elles présentaient un intérêt trop étroit (les antiquités étrusques) […] ou encore parce que [ces objets] n’avaient d’importance que pour des études spécialisées." Lui, en bon disciple des Lumières et de l’Encyclopédie, veut écrire pour l’honnête homme, et, surtout, privilégier la subjectivité, la jouissance face à l’œuvre d’art.

Son monumental vade-mecum est paru en 1855, avec un succès considérable. Il a connu nombre d’éditions par la suite, dont certaines, posthumes, "bricolées". Jean-Louis Poirier, spécialiste de philosophie antique, est parti de l’édition originale afin de nous procurer une traduction du livre tel que Burckhardt l’avait conçu. Un véritable travail de Romain. Bien sûr, le temps a passé depuis le milieu du XIXe siècle, nos connaissances et notre sensibilité ne sont plus les mêmes. Mais demeure, de façon très moderne, sa notion de "plaisir esthétique", fondamentale, même si ça contrarie toujours quelques cuistres. J.-C. P.

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