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Une couverture de roman générée par une IA suscite le mécontentement

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Une couverture de roman générée par une IA suscite le mécontentement

Après la parution d'un roman illustré par une intelligence artificielle aux éditions Michel Lafon, plusieurs illustrateurs ont exprimé leur mécontentement. Plus largement, le débat secoue ces derniers mois le monde de l'illustration et de l'édition, certaines plateformes proposant même des ouvrages rédigés par des intelligences artificielles. 

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Par Léon Cattan ,
Créé le 16.12.2022 à 17h36

Sur la couverture de Poster Girl, dernier roman de Veronica Roth paru en novembre 2022 aux éditions Michel Lafon, une femme blonde scrute l’horizon. Elle figure sur ce qui semble être un poster écorné, ses yeux n’ont pas la même teinte de gris. Sur la quatrième de couverture, son créateur n’est pas cité. C’est une mention discrète qui retient l'attention : « Illustrations : © IA Midjourney ». A savoir : un outil d’intelligence artificielle né dans l'été 2022. Ce « laboratoire de recherche indépendant » a donc signé l’illustration qui orne le livre de l’auteure de la célèbre saga Divergente.

« Les personnages de Poster Girl ont un implant oculaire qui permet à la dictature de contrôler leurs faits et gestes » explique Elsa Lafon, directrice générale de la maison d'édition. « La direction artistique des éditions Michel Lafon a donc pensé que l'utilisation de l'IA était une mise en abyme intéressante et qui faisait écho à l'intrigue du roman ».

Des illustrateurs mécontents 

Mais cette décision à première vue anecdotique de la maison d’édition attise un débat qui secoue le monde de l’art et de l’illustration à mesure que l’intelligence artificielle se développe. Et passe mal auprès de certains illustrateurs.

Sur Twitter, l'illustrateur Jérémie Fleury fait état de son indignation, le 14 décembre 2022 : « ça y est, Michel Lafon a pris position et a décidé de mépriser toute une profession. C’est honteux qu’une telle maison d’édition fasse des économies sur le dos des illustrateurs ». L’auteur jeunesse, qui assiste aux évolutions de l’industrie depuis 12 ans, peine à ne pas être défaitiste : « Il y a une profonde inquiétude couplée à de l’indignation chez les illustrateurs, les créateurs de jeux de société etc. On commence à se positionner. Même les étudiants en art redoutent la concurrence des machines à l’heure actuelle », explique-t-il à Livres Hebdo.

 

 

« Je me permets de rajouter que ce ne sont pas les seuls, et très probablement pas les derniers » renchérit un internaute, qui accompagne son tweet d’une photo de deux livres publiés cette année : Le repos du Lézard de Christophe Misraki (Outrefleuve) et Le nez-boussole d’Ulfänt Banderoz de Dan Simmons (Robert Laffont), dont les couvertures affichent des similarités troublantes.

Une supposition que confirme d’Elsa Lafon : « Je pense que beaucoup d’éditeurs français et internationaux ont déjà eu recours à l’IA. La différence est que nous l’affichons sur la couverture ». Les éditions Michel Lafon expliquent néanmoins qu’elles ne comptent pas réutiliser d’IA prochainement.

L’IA, une « concurrence déloyale » ?

Au début du mois de décembre, une vague de contestation avait déferlé sur l’hébergeur d’œuvres d’art anglophone ArtStation, où de plus en plus d’illustrations générées par des IA sont publiées et relayées. En signe de protestation, des dessinateurs, à l’instar de Nicholas Kole, ont commencé à bombarder la page d’accueil du site d’images noires sur lesquels les lettres AI sont barrées de rouge.

L’application Lensa, qui a connu un pic de popularité grâce aux réseaux sociaux cette année, s’est également retrouvée au cœur d’une controverse. Proposant l’offre attrayante de 50 images pour 7,99 dollars, elle les façonnent en piochant entre dix et douze modèles dans la base de données LAION-5B, dont les données proviennent, entre autres, des sites d’art. Alors que les accusations de plagiat pleuvent, l’entreprise se défend : l’IA ne fait que s’inspirer, « de la même façon qu’un individu est capable d’apprendre et de perfectionner sa technique en regardant des œuvres d’arts, en fouillant le web et en se renseignant auprès d’artistes ».

L’artiste australienne Kim Leutwyler, elle, s'indigne : « Ils disent que c’est une œuvre nouvelle et unique mais des artistes voient leur style reproduit avec exactitude, jusqu’à la manière de peindre, la couleur, la composition – des techniques qui nécessitent des années et des années pour être améliorées ». Dans un thread Twitter, sa consœur Lauryn Ipsum dévoile en outre la présence de signatures d’artistes à moitié effacées sur certains dessins produits artificiellement.

 

 

Verra-t-on désormais d’autres pratiques artistiques, au premier rang desquelles l'écriture, jeter leur dévolu sur les IA ? La plateforme américaine Booksby.Ai le prouve déjà. « Etes-vous lassés des livres écrits par des auteurs ? », est-il demandé sur son site. Sur ce dernier, on retrouve une dizaine d’ouvrages de science-fiction entièrement écrits par des intelligences artificielles.

 

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