Essai/états-Unis 17 octobre Joan Didion

Il aura fallu attendre peut-être son texte le plus atypique (mais pas le moins beau, évidemment), L'année de la pensée magique (Grasset, 2007, prix Médicis essai), pour que les lecteurs français comprennent enfin l'importance considérable de Joan Didion dans le paysage de la littérature américaine contemporaine. Mais depuis, toute l'œuvre a été réévaluée, réenvisagée. Plus encore peut-être qu'un Mailer ou qu'un Wolfe, pareillement aux prises avec le mythe et la réalité du rêve américain, Didion est la pythie sans pitié de ses impasses, de ses fourvoiements, de ce qui mute et de ce qui, pas toujours pour le meilleur, demeure. En fait, dans le registre du journalisme, c'est-à-dire de l'observation, dans ses récits, ses articles, ses essais bien sûr, mais aussi finalement, dans ses romans, c'est la meilleure. Voilà tout.

En cet automne, Grasset nous en apporte une nouvelle preuve (même deux, si l'on considère qu'en même temps elle réédite le plus abouti de ses romans, Mauvais joueurs, paru en 2007 chez Robert Laffont sous le titre Maria avec et sans rien), s'il en était besoin, avec la publication de deux carnets de voyage, Sud & ouest. Le génie de Joan Didion pour les regards en biais et les chemins de traverse, y est à son meilleur. Sud raconte un séjour de plusieurs semaines mené sans plan préalable ni préjugé aucun le long de la Louisiane, du Mississippi, de l'Alabama, du Sud profond et éternel. Alors qu'en ces années-là le pays gronde d'une fièvre libertaire, c'est en ces terres et ces marais comme si le temps s'était arrêté. Scarlett O'Hara et Carson McCullers ne sont jamais très loin. C'est drôle, élégant et totalement inquiétant. Dans Ouest, Didion se retrouve quelques années plus tard, en 1976, dans sa chère Californie et plus précisément dans une chambre d'hôtel de San Francisco, pour suivre le procès de Patty Hearst, l'héritière enlevée et devenue complice de ses ravisseurs. Ce sera l'occasion pour l'écrivaine de réminiscences plus ou moins enchantées sur cette terre qui est devenue sienne, sa grand-mère, sa fréquentation fidèle des livres... 

Ce qui surgit de ses pages, c'est moins l'Amérique d'hier que celle d'aujourd'hui, de toujours. Le retour du refoulé et la persistance du mal.

Joan Didion
Sud & ouest : carnets - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Valérie Malfoy, préface de Nathaniel Rich
Grasset
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 15 euros ; 160 p.
ISBN: 9782246814580

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