6 novembre > récit France

Pour l’essentiel (à un récent prix Nobel près…), le roman français des années 1970 est un continent oublié. Ces années qui mirent à l’honneur des "ismes" et des écoles ayant perdu de leur prestige furent pourtant celles de quelques "irréguliers" empruntant des chemins de traverse qui ne croisèrent aucune chapelle et ne firent écho qu’à leurs propres solitudes. C’est tout l’honneur de quelques éditeurs n’ayant pour tout bagage que leur curiosité et leur érudition joyeuse d’exhumer ainsi ces œuvres orphelines.

Ainsi, L’Editeur singulier. Après le coup d’éclat, l’an dernier, de la réédition des Chérubins électriques, l’incandescent premier et unique roman de Guillaume Serp, il récidive, à nouveau avec la complicité de notre confrère Alexandre Fillon qui signe la présentation du volume, en proposant une identique tentative romanesque qui n’eut pas de suite, Ecarlate de Christine Pawlowska. Initialement paru au Mercure de France en 1974 (l’auteure avait 22 ans), le roman fut pourtant salué à l’époque par la fine fleur de la critique, de Jean Freustié à Claude Mauriac en passant par François Nourissier ou Marcel Arland. Adieu à l’enfance, à son exigeante intensité, Ecarlate n’a pas pris une ride. Si l’on osait le grand écart, on écrirait que c’est Le grand Meaulnes réécrit par Violette Leduc. Quelque part en France, une gamine, ardente et rêveuse, y confond entrée dans le monde (à condition que ce ne soit pas celui des adultes) et cérémonie des adieux. Elle ne sait qu’aimer. Aimer et dire non. Elle ne sait et ne veut pas apprendre les règles du jeu social, cette petite mort qui nie la grande. Christine Pawlowska, qui aurait pu devenir la grande romancière romantique de ce temps, ignora aussi tout cela. Ecarlate publié, elle rejoignit son secret et mourut à 44 ans, oubliée de tous et peut-être d’elle-même.

Olivier Mony

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