DESTINATIONS LITTÉRAIRES

Voyage gourmet au pays du soleil levant avec Jirô Taniguchi

Jirô Taniguchi

Voyage gourmet au pays du soleil levant avec Jirô Taniguchi

(Re)découvrir une librairie atypique, une bibliothèque historique ou l’histoire littéraire et culturelle d’une ville ou d’un pays ? Chaque samedi, Livres Hebdo vous emmène dans une destination, loin des radieuses calanques ou des rouleaux de l’Atlantique, en compagnie d’un de ses auteurs ou artistes emblématiques.

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Par Thomas Faidherbe
Créé le 07.08.2021 à 14h00

Notre série estivale touche bientôt à sa fin. Pour poursuivre le chapitre des destinations littéraires, Livres Hebdo vous emmène au pays du soleil-levant. A Tokyo, plus précisément. Cette semaine, nous vous proposons l’un des maîtres du manga et l’un des auteurs de bande dessinée préférés des français, Jirô Taniguchi. Sous son crayon, la capitale japonaise devient un monde raffiné.   

Tokyo, ville gastronomique 

Avec Le Gourmet solitaire (Casterman), l'un des maîtres du noir et blanc offre l'occasion de découvrir Tokyo autrement et d'en arpenter les moindres recoins grâce à des adresses culinaires. L'ouvrage, qui est le fruit d’une rencontre entre le mangaka et le romancier japonais Kusumi Masayuki, est une ode à la cuisine du Japon. L'auteur, qui s'est éteint le 11 février 2017, portait une attention toute particulière aux repas dans la bande dessinée. Il expliquait dans un entretien à Télérama en 2015 :
 
Si les scènes de repas sont très présentes dans mes livres, c'est parce que se nourrir est une des activités essentielles de la vie humaine et que, donc, traitant du quotidien, je ne peux qu'y donner une large place. Quand je lis ou regarde des films, je suis toujours très intéressé par les scènes de repas : on y voit beaucoup d'une culture, des habitudes d'un pays ou des gens. Jir? Taniguchi

Au détour d'une ruelle, d'un chemin de traverse ou encore d'un parc, le personnage principal du Gourmet solitaire, qui travaille dans l'import-export, vaque à ses occupations : la recherche d'une expérience culinaire au Japon. Chapitre après chapitre, les mets se succèdent : Porc sauté et riz à San'ya, des haricots noirs sucrés en gelée "mamekan" à Asakusa, Oden et bol de riz au curry, dans le parc de Shakujii, des nouilles de blé tendre "udon" de Sanuki sur la terrasse d'un grand magasin d'Ikebukuro. 

D’une échoppe après l'autre, le manga prend l'allure de la carte postale. Grâce à ces excursions, Jirô Taniguchi jette un regard sur Tokyo. Il permet aux lecteurs de découvrir les trésors culinaires et architecturaux de la ville nippone.
 
Photo CASTERMAN - PINTEREST
Dans un souci du détail, les chapitres de Jirô Taniguchi restituent et magnifient les nombreux visages historiques de Tokyo. "Traités avec une précision inhabituelle, les décors deviennent des acteurs à part entière, aidant, autant que les dialogues, à deviner les sentiments des personnages", raconte Benoît Peeters, à propos du mangaka, dans L'art de Jirô Taniguchi (Casterman, 2016).

Son gourmet solitaire s'attable dans les coins iconiques de la ville de Tokyo, comme le quartier de Kichij?ji. Il en profite pour passer un moment dans un "sushi-bar" et ainsi célébrer la gastronomie japonaise. Non loin de là, les lecteurs peuvent retrouver une bibliothèque où le temps semble s’être figé : la bibliothèque de l’université Seikei. Située dans le quartier de Kichij?ji-Kitamachi, l'établissement, qui fut achevé en 2006, est dotée de salles de réunions, surnommées "Planètes". Prenant la forme de dômes de verre soutenus par des piliers, la structure futuriste permet aux visiteurs de s'évader.
 
Photo JAPAN EXPERIENCE
Une escapade gourmande au Japon

Après Le Gourmet solitaire, Jirô Taniguchi reprend son voyage culinaire dans le Japon d'aujourd'hui avec Les rêveries d'un gourmet solitaire (Casterman, 2016). Les déambulations du voyageur itinérant se poursuivent dans d'autres quartiers de Tokyo, comme les arrondissements de Shinjuku, Arakawa, Shinagawa, Chiyoda. Dans cette nouvelle parenthèse gastronomique, le mangaka devient nostalgique lorsqu’il décide de planter le décor du manga dans sa ville natale Tottori, située dans le sud de l’archipel. Célèbre pour ses dunes (Tottori sakyû) qui attirent chaque année des centaines de milliers de personnes, il revient sur sa terre natale et dévoile l’un de ses mets, un su-râmen à la mairie de Tottori.  
 
Photo NIPPON 100

Tout au long de sa carrière, le dessinateur et scénariste a relié son œuvre au Japon. L'histoire du pays du soleil levant et ses reliefs nous sont dépeints dans ces ouvrages. On peut y découvrir l’ère Taishô (1912-1926) à l’ère Shôwa (1926 - 1989) dans Elle s'appelait Tomoji (Rue de Sèvres). Il en profite pour faire une excursion dans une région montagneuse de la province japonaise, dans sa série Les enquêtes du Limier (Sakka). Dans ces œuvres, toutes les époques y sont transposées, de l'ancien Tokyo dans Furari (Casterman) aux années 80 de Tokyo Killers (Kana), qui rend hommage aux films noirs de l'époque, en passant par les années 60 dans l'ouvrage autobiographique Un zoo en hiver (Casterman). 

Photo CASTERMAN

Influencé par la bande dessinée franco-belge et celle de Jean Giraud, alias Moebius, Jiro Taniguchi élargit son univers japonais aux grands espaces et étendues de l’Ouest américain. En 2014, il signe l’anthologie en deux volumes Les contrées sauvages (Sakka), où l'on retrouve une série de nouvelles écrites et dessinées en dans les années 1970 et 1980. Au sein de cet ouvrage sur les paysages outre-pacifique, il compile des histoires courtes sur des thématiques chères pour lui : les grands espaces et les relations qu'entretient l'homme avec la nature. En effet, l’homme au style "contemplatif et littéraire, introspectif et intimiste, très éloigné des stéréotypes", selon Le Monde, désirait "continuer à créer des histoires qui donnent une place fondamentale à la nature - pour éviter que ce dont nous avons pris conscience ne disparaisse des mémoires", explique-t-il dans une interview pour Madame Figaro

Photo CASTERMAN

Après son voyage culinaire et ses excursions dans la nature, l'œuvre du mangaka n’a pas fini d'être présente dans les librairies françaises. Deux mangas sont republiés le 17 novembre chez Casterman : Le journal de mon père, qui est une chronique de la vie quotidienne au Japon dans les années 1950, et L'homme qui marche. Au début du mois d'octobre, Kana réédite le premier tome du manga Le sommet des dieux, à l'occasion de la sortie du film.

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