Avant-critiques Mémoires

Xavier Paoli, "Le gardien des rois. En France avec Victoria, Sissi, le tsar, le shah et autres majestés, par le commissaire chargé de leur sécurité" (Payot)

Xavier Paoli - Photo © Atelier Nadar/Payot

Xavier Paoli, "Le gardien des rois. En France avec Victoria, Sissi, le tsar, le shah et autres majestés, par le commissaire chargé de leur sécurité" (Payot)

Chargé de la sécurité des souverains étrangers durant leur séjour en France, Xavier Paoli côtoya Sissi, la reine Victoria et le tsar Nicolas II. Et ses mémoires sont un régal.

Parution 7 mai

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Par Laurent Lemire
Créé le 27.05.2025 à 09h00 ,
Mis à jour le 27.05.2025 à 14h18

Commissaire prisé. Une photo du début du XXe siècle nous montre le personnage : une prestance costumière très IIIe République, un regard malicieux et une bouche dont on voit bien que rien ne sortira. C'est le côté corse de Xavier Paoli (1833-1923). Parmi ses ancêtres, il comptait Pascal Paoli, le général rebelle et indépendantiste qui proclama la République corse au XVIIIe siècle. Ajoutons que ce flic de haut vol, mais discret, disposait d'une escouade d'inspecteurs et d'informateurs de premier plan. Son titre exact stipulait « commissaire spécial des chemins de fer, délégué au ministère de l'Intérieur ». C'est souvent sur un quai de gare qu'il accueillait ses illustres visiteurs venant incognito en France. Pendant un quart de siècle, sa mission fut d'assurer leur sécurité, de faciliter leur rapport avec le gouvernement et de faire que leur séjour soit le plus agréable possible. Avec le tact du diplomate et l'intransigeance du policier, Paoli guida « quinze empereurs ou rois, une demi-douzaine d'impératrices et de reines et une quantité innombrable de princes du sang, de grands-ducs et de roitelets exotiques ». On imagine donc les petits secrets et les potins engrangés. C'est un journaliste du Figaro, René Lara (1872-1944), qui aida Paoli dans la rédaction de ses souvenirs. Ils constituent pour lui une histoire « intime, anecdotique et pittoresque ». C'est bien vu pour qualifier cette belle redécouverte de l'éditeur, auteur et traducteur Mario Pasa, qui a établi la présente édition.

L'époque peut nous sembler lointaine, mais la vivacité des mémoires de Paoli nous ouvre les portes d'un monde disparu. Ainsi la reine Victoria ne voulait pas d'autre fonctionnaire français auprès d'elle lorsqu'elle se rendait sur la Côte d'Azur. La souveraine reste d'ailleurs la personnalité avec laquelle Paoli a entretenu une relation de « respectueuse affection et de fervente gratitude ». Avec constance, ce Corse a su faire aimer la République aux rois, en cédant parfois à leurs caprices. Il ne portait pas d'arme sur lui mais se savait suffisamment malin pour s'en passer et le dire à ses hôtes qui n'en avaient pas toujours conscience. Selon René Lara, il était « le seul Français qui puisse à la fois arborer une épingle de cravate donnée par l'empereur d'Autriche, une montre offerte par le roi de Grèce, une chaîne présentée par la reine Victoria, une canne du roi de Suède, un porte-cigarettes de l'empereur de Russie, un porte-allumettes du roi d'Angleterre, une bague du shah de Perse ». Sa mission était simple : « Rendre à notre hôte son séjour aussi agréable que possible afin qu'il emporte de notre pays la meilleure impression. » Tâche réussie si l'on en croit ses rencontres avec la mélancolique Sissi, le rieur Sisowath, roi du Cambodge, « petit bonhomme sec et nerveux sur lequel il aurait neigé », ou Léopold II, roi des Belges, une « pensée impénétrable », une « âme fermée », « cynique jusqu'à la cruauté ». Comme souvent, Paoli voit juste, sans savoir ce qui se passe au Congo… Avec son parfum désuet d'historiettes, ce Gardien des rois est un vrai bonheur de lecture.

Xavier Paoli
Le gardien des rois. En France avec Victoria, Sissi, le tsar, le shah et autres majestés, par le commissaire chargé de leur sécurité
Payot
Tirage : 2 500 ex.
Prix : 20 € ; 256 p.
ISBN : 9782228939034

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