3 septembre > Essai Allemagne

Chaque après-midi, une année durant, un bonhomme fait son apparition dans un jardin public, engageant des dialogues du tac au tac avec les passants. Il a tant d’esprit qu’il laisse perplexe. Beaucoup s’en vont en hochant la tête, d’autres l’écoutent et prennent des notes. Celles-ci ont fini par former un petit livre, une sorte d’almanach d’idées, suite d’aphorismes insolites d’un personnage insaisissable qui fume des cigarillos et porte un chapeau melon marron. L’honnêteté et l’indépendance sont ses seules idoles. Il n’est pas omniscient, mais tout l’intéresse, de la zoologie à l’économie, de Hegel à Angela Merkel.

Comme le Monsieur Teste de Valéry, M. Zède pourrait dire : "la bêtise n’est pas mon fort". Encore que ce Zocrate, tel un Zorro de la pensée, considère que la bêtise "porte en elle des éléments de survie". Devant un auditoire fidèle que l’on découvre au fil du livre, il distille ses opinions, pétries de vérités et de contradictions, dans ce livre de sagesse plus que de philosophie. Zède est un Socrate de square, un penseur sur banc qui laisse tomber ses miettes métaphysiques. Il délivre son savoir à qui veut l’entendre et sans toujours l’expliciter. Il est l’homme de la situation que la situation amuse. "Je suis et je reste un amateur. Je regarde autour de moi. Je pense pour mon compte."

Auteur du magnifique Hammerstein (Gallimard, 2010), Hans Magnus Enzensberger a publié l’année dernière chez Alma un enjoué Panoptique. Il poursuit dans cette veine de la célébration du penser par soi-même contre les systèmes. En restant fidèle à un scepticisme teinté d’une ironie joyeuse. L. L.

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