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Dossier Rentrée littéraire : le roman du réel

Les libraires à la présentation de la rentrée littéraire P.O.L à la galerie EOF, 15, rue Saint-Fiacre à Paris. - Photo Olivier Dion

Dossier Rentrée littéraire : le roman du réel

Avec un peu plus de romans, et surtout de premiers romans français, mais un nombre de romans traduits qui stagne, la rentrée littéraire 2017 s’annonce ambitieuse, avec des têtes d’affiche aptes à rattraper un premier semestre décevant et un riche éventail de découvertes. Au total, 581 romans sont programmés entre la mi-août et la fin octobre, contre 560 un an plus tôt.

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Par Pauline Leduc, Isabel Contreras, Claude Combet, Léopoldine Leblanc
Créé le 30.06.2017 à 15h51

C’est une rentrée littéraire particulièrement variée qu’ont concoctée cette année les éditeurs. D’après nos données Livres Hebdo/electre.com, 581 romans français et étrangers viendront nourrir entre août et octobre le rayon littérature des librairies, contre 560 à la rentrée 2016. Si la programmation n’atteint pas l’opulence des années 2005-2010 - qui a culminé à 727 nouveautés en 2007 -, elle assouplit la cure d’amaigrissement entreprise depuis. Pas d’inflation majeure chez les éditeurs, mais un titre de plus par ci ou par là, ce qui finit par peser dans la balance. Stock monte à 14 titres contre 11 en 2016, Albin Michel, P.O.L, Grasset ou Robert Laffont proposent, eux, un à deux romans supplémentaires.

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Particulièrement stable tant en nombre de titres qu’en transferts - quasi inexistants -, la rentrée littéraire étrangère a conservé, elle, sa silhouette, allégée même de quelques ouvrages puisqu’elle atteint 191 nouveautés contre 196 en 2016. C’est la rentrée française qui concentre l’augmentation de la production avec 390 romans et recueils de nouvelles programmés, contre 363 l’an passé (+ 6 %). L’arrivée de nouveaux éditeurs participe à cette hausse. L’Observatoire se lance dans l’arène avec 3 titres, dont deux auteurs ex-Plon, Karine Silla et Sigolène Vinson qui ont suivi la nouvelle directrice littéraire Lisa Liautaud, quand La Martinière propose trois romans dans sa nouvelle collection littéraire "Ruby", portée par le roman de Patrick Eudeline.

 

Rentrée ambitieuse

Moins compacte la rentrée s’annonce pourtant particulièrement travaillée et ambitieuse. "Après un premier semestre difficile en librairie, où de nombreux éditeurs ont peu programmé en raison de la période électorale, cette rentrée est indéniablement plus riche que les précédentes, d’autant que certains vont chercher à se refaire", a résumé Anna Pavlowitch, directrice littéraire de Flammarion, devant un parterre de libraires réunis à la Maison de l’Amérique latine le 13 juin pour la présentation du programme. La conjonction entre un semestre tout en retenue côté éditeurs, saison électorale oblige, et les mauvais chiffres de vente en librairie (- 3,5 % de chiffre d’affaires au rayon littérature pour le premier trimestre selon le baromètre Livres Hebdo/I+C) fait de cette rentrée celle de tous les espoirs.

Si deux transferts notables sont à signaler, Brigitte Giraud, quittant sa maison historique, Stock, où elle était éditée par Jean-Marc Roberts jusqu’à la mort de ce dernier en 2013, pour rejoindre l’écurie Flammarion, et Joy Sorman, accueillie "avec joie" par Adrien Bosc au Seuil après avoir débuté chez Gallimard, c’est la stabilité qui prime. Après le jeu de chaises musicales de l’an passé, les éditeurs ont cette fois pris peu de risques en la matière, préférant concocter une rentrée littéraire maison "idéale". Soit, comme le définit Bertrand Py, directeur éditorial d’Actes Sud, "cet équilibre subtil dans la programmation entre auteurs déjà connus, désirés des lecteurs, et plumes émergentes". Alors que la morosité du marché aurait pu laisser imaginer une production recentrée uniquement autour de valeurs sûres, l’audace est de mise cette année.

Aux côtés d’incontournables telles Amélie Nothomb (Albin Michel) ou Marie Darrieussecq (P.O.L), 81 primo-romanciers viennent oxygéner la rentrée, contre 66 l’an passé. Quand certaines maisons font le choix d’en publier un de plus comme Gallimard ou Grasset, faisant émerger respectivement 5 et 3 nouvelles voix, d’autres prennent le parti de programmer une rentrée française 100 % premiers romans. Romain Meynier portera ainsi les couleurs de Cambourakis, Jocelyn Dupré celles de Champ Vallon, Victoire de Changy celles d’Autrement, Martin Diwo incarne le renouveau de Plon après le départ de l’éditrice Lisa Liautaud, Jean-Baptiste Andrea et l’auteur jeunesse Timothée de Fombelle représenteront L’Iconoclaste, Catherine Baldisserri et Konrad Laghos roulent pour Intervalles tandis que l’éditrice de Finitude, Emmanuelle Boizet, a "pris le risque", après le succès d’En attendant Bojangles, de miser uniquement sur le premier roman de Victor Pouchet.

 

Auteurs primés

Période stratégique en raison des prix littéraires de l’automne, mais aussi de l’audience médiatique qui lui est accordée, la rentrée littéraire concentre aussi, à nouveau cette année, des auteurs adoubés par les jurys des prix littéraires et attendus par les lecteurs. Gallimard aligne à côté d’Eric Reinhardt, Vincent Delecroix, Marc Dugain ou Fabrice Humbert. Actes Sud se réjouit du retour du goncourisé "premier roman" Kamel Daoud, à l’affiche avec Claudie Gallay, Lola Lafon et Alice Ferney, qui publie son dixième titre dans la maison. Autre couronnée du Goncourt, de la nouvelle cette fois, Marie-Hélène Lafon est de retour chez Buchet-Chastel. Monica Sabolo, grand prix du Roman de la SGDL 2015, revient chez Lattès, Jean-Marie Blas de Roblès, prix Médicis 2008 chez Zulma, alors que Sabine Wespieser retrouve Léonor de Récondo, récompensée en 2015 par les prix des Libraires et RTL-Lire.

Six ans après Tout, tout de suite, grâce auquel Morgan Sportès avait offert à Fayard le prix Interallié, l’auteur signe un nouveau titre, tout comme Jakuta Alikavazovic, fidèle de L’Olivier qui revient cinq ans après La blonde et le bunker, mention spéciale du prix Wepler. Minuit peut compter sur le retour attendu d’Anne Godard, onze ans après L’inconsolable, grand prix RTL-Lire, programmée en même temps que Jean-Philippe Toussaint. Hormis Brigitte Giraud, Flammarion présente le nouveau Jean-Luc Seigle, un an après son grand prix des Lectrices de Elle, ou Alice Zeniter, très attendue des libraires. Albin Michel sort l’artillerie lourde avec les nouveaux titres d’Amélie Nothomb, Jean-Michel Guenassia, Eric-Emmanuel Schmitt et Franck Pavloff.

Chez Stock, aux côtés d’Erik Orsenna, Simon Liberati est de retour deux ans après le succès d’Eva, prix Transfuge consacré à sa femme Eva Ionesco qui partagera avec lui cette rentrée littéraire, puisqu’elle signe un premier roman chez Grasset. L’éditeur de la rue des Saints-Pères propose également plusieurs valeurs sûres, comme Sorj Chalandon, fidèle parmi les fidèles, Michel Le Bris ou Daniel Rondeau. Au Seuil, deux prix Femina se côtoieront, Chantal Thomas et Patrick Deville.

Ils cohabiteront avec Charif Majdalani, dont le dernier titre a remporté en 2015 les prix Jean-Giono et Transfuge. Suite au succès de Laëtitia d’Ivan Jablonka, prix Médicis 2016, l’éditeur a programmé cette année au même office un autre essai, New Moon de David Dufresne. Philippe Jaenada livre La serpe (tité à 30 000 exemplaires), dont Julliard espère qu’il connaîtra le succès du Chameau sauvage, prix de Flore il y a vingt ans, tout comme P.O.L programmant une Marie Darrieussecq qui renoue avec la veine de Truismes. Fidèles aux maisons qui les ont découverts, Thomas Gunzig revient au Diable vauvert, Isabelle Alonso chez Héloïse d’Ormesson qui s’appuie aussi sur Gaëlle Nohant deux ans après La part des flammes, quand Joëlle Losfeld retrouve avec bonheur Richard Morgiève, et Calmann Lévy Denis Jeambar.

Projets atypiques

Au-delà des poids lourds, les éditeurs ont à cœur de garder une place de choix à leurs talents émergents. Après avoir fait leurs preuves, certains auteurs qui n’en sont pas à leur premier roman vivront leur première rentrée littéraire. Alexis Ragougneau (Viviane Hamy), Aline Kiner (Liana Levi), Agnès Mathieu-Daudé (Gallimard), Kaouther Adimi (Seuil), Clément Bénech (Flammarion), Dominique Schneidre (Lattès), Martin Winckler (P.O.L) sont de ceux-là. Robert Laffont, qui accueille cette année Dominique Dyens, venue de chez Héloïse d’Ormesson, mise sur les plumes prometteuses en offrant leur première rentrée à Claire Barré et Sonia David. Auteur en 2015 d’un premier roman, Le metteur en scène polonais, remarqué par le jury du prix Médicis, Antoine Mouton porte la rentrée de Christian Bourgois, Jean-Luc Cattacin celle de Phébus après A travers ciel, tandis que Les Equateurs misent sur Paul Baldenberger, salué par la critique en 2016, avec La fabrique des hommes.

La force de ce cru 2017 repose aussi sur des projets éditoriaux atypiques. Des romans à quatre mains, comme Et soudain la liberté (Les Escales) d’Evelyne Pisier et Caroline Laurent, son éditrice qui a tenu à publier ce texte malgré la mort de l’auteure cet l’hiver, quand les sœurs Anne et Claire Berest se penchent de concert sur leur aïeule Gabriële (Stock). Des formats hors normes comme Le dossier M (Flammarion) de Grégoire Bouillier dont les 1 600 pages se répartiront en deux tomes publiés respectivement en rentrée littéraire et en rentrée d’hiver. Parce qu’il n'y a pas d’âge pour se lancer, Edgar Morin, 96 printemps au compteur, prépare pour octobre ce qu’Actes Sud qualifie de premier vrai roman tout comme l’Américaine Carola Dibbell (Le Nouvel Attila), une critique rock septuagénaire qui livre un roman d’anticipation sociale où se dessinent en filigrane les enjeux et névroses qui traversent notre société. P. L.

Dix incontournables français

Thèmes : des écrivains les pieds sur terre

 

Des romans toujours inspirés de faits réels, imprégnés des questions sociétales qui dominent l’actualité, viennent nourrir cet automne littéraire où les écrivains français s’accrochent toujours à l’exofiction.

 

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Si le choc provoqué par les attentats en France s’était déjà cristallisé dans la production littéraire de l’automne 2016, les romanciers français, toujours portés par la triste actualité, vont en 2017 encore plus loin dans l’exploration de la violence et de ses impacts. Présent au Bataclan, en novembre 2015, Erwan Larher confie dans Le livre que je ne voulais pas écrire (Quidam) un témoignage littéraire sur l’attentat. La mise en place de l’état d’urgence inspire Frederika Amalia Finkelstein qui narre dans Survivre (L’Arpenteur) l’histoire d’Ava, une jeune femme de 25 ans angoissée par la présence dans le métro des militaires mobilisés dans le cadre de Vigipirate. Dans Protection rapprochée (Lunatique), Fabien Maréchal met en scène l’histoire de Marc et Cécile, un couple perturbé par l’installation d’une annexe du commissariat dans le sous-sol de leur immeuble. Aurélien Delsaux revient, lui, sur l’origine de la violence avec Les sangliers (Albin Michel) où il met en scène la première tuerie raciste dans un lycée français aux Feuges, un village niché entre l’Isère et le Dauphiné. Pierre Ducrozet donne une suite à l’affaire des enlèvements d’Iguala, où 43 étudiants ont disparu en 2014 au Mexique, dans L’invention des corps chez Actes Sud.

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Dégradation de l’environnement

Les questions environnementales hantent aussi les écrivains, qui critiquent plus généralement les dérives de la société de consommation. Dans La fonte des glaces (P.O.L), Joël Baqué raconte l’histoire de Louis, un retraité taciturne et ancien charcutier, qui devient malgré lui une icône planétaire de l’écologie à cause de ses discours sur la fonte de la banquise. Avec la fable Roger-pris-dans-la-terre (Le Bord de l’eau), Paul Ardenne évoque les nouvelles maladies apparues en raison de la dégradation de l’environnement à travers le personnage d’un paysan. Dans Jusqu’à la bête (Asphalte) de Timothée Demeillers, Erwan, ouvrier dans un abattoir près d’Angers, vit au rythme des carcasses qui s’entrechoquent et finit par commettre l’irréparable, lassé par la répétition des gestes, des cadences. Ras-le-bol aussi pour les salariés d’un abattoir breton qui décident de séquestrer le secrétaire d’Etat à l’industrie, puisqu’une délocalisation semble être entérinée, dans le dernier roman d’Arno Bertina, Des châteaux qui brûlent (Verticales).

D’autres faits qui ont marqué l’année dernière la une des journaux trouvent également un écho à la rentrée. La disparition de David Bowie a chagriné Sonia David qui signe David Bowie n’est pas mort chez Robert Laffont, ainsi que Jean-Michel Guenassia dans De l’influence de David Bowie sur la destinée des jeunes filles chez Albin Michel. Une certaine ressemblance avec l’affaire Bettencourt apparaît dans le nouveau roman du journaliste Eric Deschodt, Abus de fortune à paraître chez De Fallois. Les débats autour des questions LGBT sont présents dans le nouveau roman du réalisateur Christophe Honoré, Ton père (Mercure de France) où il s’interroge sur son identité de père homosexuel. La transsexualité est au cœur de Point cardinal de Léonor de Récondo à paraître chez Sabine Wespieser.

La crise des migrants a également secoué le pays. Pierre Demarty s’intéresse dans Le petit garçon sur la plage (Verdier) à l’émotion violente qu’éprouve un homme face à la vision d’un enfant abandonné sur la plage. Un enfant migrant comme ceux qui errent à Calais dans le roman de Delphine Coulin, Une fille dans la jungle, publié chez Grasset. Des adultes fuient eux aussi la guerre chez Amin Zaoui. Dans L’enfant de l’œuf (Le Serpent à plumes), ce dernier aborde la question de l’exil et de l’identité avec une chrétienne de Damas réfugiée à Alger qui est témoin (avec son compagnon et son chien) de sa propre destruction dans un pays d’accueil rongé par l’islamisme radical. Ce pays, l’Algérie, se trouve être l’un des terrains de prédilection de cette rentrée littéraire. Les souvenirs datant de la guerre d’indépendance ont laissé des traces indélébiles dans les personnages de Tassadit Imache et ses Cœurs lents (Agone) tout comme chez les deux amis qui se lient d’amitié dans Un loup pour l’homme de Brigitte Giraud (Flammarion) et dans Indocile d’Yves Bichet (Mercure de France). Alice Zeniter, Jean-Marie Blas de Roblès et Kaouther Adimi traitent aussi, sous différents prismes, la guerre d’Algérie : la première revient sur la vague migratoire des années 1960 pour essayer de comprendre la crise identitaire que traverse aujourd’hui la France dans L’art de perdre (Flammarion), le deuxième signe chez Zulma Dans l’épaisseur de la chair où il explore l’histoire du pays par le biais de l’amour d’un fils pour son père, et la troisième oppose deux générations dans Nos richesses (Seuil).

Biographies sublimées

Des errances dans d’autres pays, également inspirées de faits ou de personnages réels, poussent les auteurs à mener des introspections. Pierre Brunet se glisse dans la peau d’un officier de la marine d’élite, hanté par le génocide rwandais, qui part en solitaire sur son voilier pour reprendre goût à la vie dans Le triangle d’incertitude (Calmann-Lévy). Non loin de la mer, en Bretagne, Jean-Luc Coatalem s’empare du destin du militaire, marin et poète Victor Segalen dans Mes pas vont ailleurs (Stock) et revient au demeurant sur sa vie, ses souvenirs, ses voyages et ses écrits. Quant à Jean-Jacques Langendorf, il a choisi de raconter sa vie en la mêlant à celle du Genevois de l’époque napoléonienne Menu de Minutoli dans Le consulat de la mer (Infolio). Le baroudeur Julien Blanc-Gras tente de réconcilier l’Orient et l’Occident dans un récit de voyage aux Emirats, teinté d’humour (Dans le désert, Au Diable vauvert). Enfin Isabelle Monnin propose un voyage dans le temps qui démarre avec sa naissance, dans les années 1970, dans son roman autobiographique Mistral perdu, à paraître chez JC Lattès.

La littérature du réel passe cette année encore par l’exofiction, ces biographies sublimées par le romancier. Chez Gallimard, François-Henri Désérable mène une enquête sur le voisin de Romain Gary dans Un certain M. Piekielny. Olivier Guez nous transporte en Amérique latine avec La disparition de Josef Mengele (Grasset) où il part sur les traces d’un criminel nazi. Avec Lola Lafon, dans Mercy, Mary, Patty (Actes Sud), le lecteur s’envole pour la Californie des années 1970 en découvrant Patricia Hearst, la petite-fille du célèbre magnat de la presse William Randolph Hearst, qui fut kidnappée par un groupuscule de révolutionnaires dont elle épousa finalement la cause. Après Pauline Dubuisson en 2015, Philippe Jaenada revient dans La serpe (Julliard) sur le parcours d’Henri Girard, accusé en 1941 d’avoir assassiné son père, sa tante et leur bonne dans leur château près de Périgueux. Dans Qui es-tu Yann Andréa ? (Busclats), Thierry Soulard s’arrête sur l’existence de son ami de lycée, Yann Andréa, devenu bien plus tard le compagnon de l’écrivaine Marguerite Duras. Et Antoine Grognet, avec Mister George : biographie romancée de George Weah (Salto), raconte la vie de cet enfant du Liberia devenu footballeur, premier joueur africain à avoir gagné le Ballon d’or, qui a essayé de devenir président de son pays.

Plusieurs titres autour de la peinture donnent cette année une reconnaissance à des figures parfois passées inaperçues. Notamment chez Stock qui présente trois titres dans cette veine : celui d’Olivia Elkaim et son Je suis Jeanne Hébuterne où elle donne une voix à celle qui fut le dernier amour et muse de Modigliani. La petite danseuse de quatorze ans de Camille Laurens plonge dans l’enfance de Marie Van Goethem, le célèbre modèle de Degas. Et Gabriële des sœurs Anne et Claire Berest où les auteures découvrent l’existence de leur arrière-grand-mère Gabriële Buffet Picabia, mariée à Francis Picabia, peintre célèbre de la première moitié du XXe siècle. Sur les traces cette fois-ci de son arrière-grand-tante, Marie Charrel raconte dans Je suis ici pour vaincre la nuit (Fleuve éditions) le parcours de Yo Laur, artiste reconnue du début du XXe siècle pour ses tableaux représentant des scènes animalières. Mathieu Terence s’intéresse, lui, dans Mina Loy, éperdument (Grasset), à une poétesse, peintre, essayiste et intellectuelle née dans l’Angleterre victorienne. Toujours chez Grasset, Julien Delmaire propose Minuit, Montmartre et revient, par le biais de son dernier amour, sur la vie du peintre Théophile-Alexandre Steinlen, connu pour son affiche du cabaret du Chat-noir. I. C.

Premiers romans : toute une foulée de premiers pas

 

Avec 81 titres contre 66 un an plus tôt, la production de premiers romans se redresse nettement. Les éditeurs n’hésitent pas à présenter trois ou quatre primoromanciers par catalogue, pour toujours plus de regards croisés.

 

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La rentrée se révéle faste pour les premiers romans. Pas moins de 81 sont annoncés entre août et octobre, un chiffre proche de celui de 2013. Parmi les éditeurs les plus audacieux figurent Stock et Gallimard, qui présentent chacun quatre primoromanciers, suivis de près par Grasset, Le Dilettante et Albin Michel, à l’origine de trois premiers romans par catalogue.

La constante primauté des écrivains masculins demeure : deux tiers des auteurs sont des hommes contre un tiers de femmes. Parmi celles-ci, Annick Médard, 77 ans, doyenne de cette rentrée avec La maison de l’éclusier chez Jérôme Do Bentzinger. La jeune génération, quant à elle, est pleinement présente, dès l’âge de 26 ans avec des auteurs comme Sophie Astrabie (Albin Michel), Marie Céhère (Pierre-Guillaume de Roux), Martin Diwo (Plon) ou encore Thomas Flahaut (L’Olivier).

Cette année, les primoromanciers sont nombreux à être issus du monde du spectacle. Certains sont entrés en écriture par le théâtre, tels Olivier Kemeid (Gaïa), Guillaume Poix (Verticales), Eric Romand (Stock) et Catherine Véglio (Lemieux). D’autres, dont certains déjà bien connus comme le réalisateur de Demain Cyril Dion (Actes Sud), ou l’actrice Eva Ionesco (Grasset), au cœur, l’an passé, du roman Eva de son compagnon Simon Liberati, mais aussi Emmanuelle Grangé (Arléa), Alexandre Steiger (Léo Scheer) et Pascal Voisine (Calmann-Lévy) illustrent les velléités littéraires des personnalités du cinéma. Par ailleurs, les journalistes répondent en nombre à l’appel de la littérature : Victoire de Changy (Autrement), Konrad Laghos (Intervalles), Ludovic Ninet (Serge Safran), Charlotte Pons (Flammarion), Olivier Rogez (Le Passage), Pierre Souchon (Rouergue) ou encore Sébastien Spitzer (L’Observatoire). Le monde du livre et des lettres est également au rendez-vous avec l’éditrice Pauline Perrignon (Stock), le poète James Noël (Zulma), l’auteur jeunesse à succès Timothée de Fombelle (L’Iconoclaste), le critique littéraire Damien Aubel (Inculte) et des professeurs de lettres du lycée à la prépa tels Emmanuelle Caron (Grasset), Victor Pouchet (Finitude) et Gwenaële Robert (Robert Laffont).

Départs sans retour

Les premiers romans sont nombreux à s’intéresser à la thématique du départ et à ses motivations. Dans Imago (Actes Sud), Cyril Dion retrace le voyage d’un Palestinien hanté par le départ de son frère parti faire le djihad, entre Rafah et Paris. De même, Emmanuelle Grangé s’attache aux voix des abandonnés dans Son absence (Arléa) à travers l’histoire d’une famille qui signe une "déclaration d’absence" vingt ans après le départ de l’un des leurs. Paul-Bernard Moracchini, dans La fuite (Buchet-Chastel), et Jean Pichard, dans Les horizons perdus (La Différence), s’interrogent tous deux sur le départ volontaire comme unique possibilité de renaissance pour l’individu. Déçus du monde et en perte de sens, les personnages de cette rentrée expriment les méandres existentiels et les incertitudes. Une place de choix est réservée au portrait d’une jeunesse errante. A L’Iconoclaste, le personnage principal peint par Jean-Baptiste Andrea, dans Ma Reine, oscille entre désir d’insouciance et rappel à l’ordre adulte. Fief de David Lopez (Seuil) met en scène une bande d’amis qui tuent le temps dans un monde péri-urbain. Ambiance de dérive sans lendemain, également, dans Surface de réparation d’Olivier El Khoury (Noir sur blanc) où le déclin d’un club de foot fait écho aux échecs de la vie personnelle du jeune héros.

S’affranchir du passé

Comme pour pallier les désillusions d’un futur incertain, plusieurs premiers romans trouvent refuge, réconfort et vérité dans un retour aux origines. Secrets et non-dits du passé resurgissent pour le personnage principal de Mon gamin (Calmann-Lévy) de Pascal Voisine, qui revient dans son village natal après quarante ans d’absence ; et pour l’héroïne de Parmi les miens (Flammarion) de Charlotte Pons, qui décide de vivre avec sa fratrie pour faire face au deuil maternel. Récit d’exil, Et ma langue se mit à danser de Ysiaka Anam (La Cheminante) évoque à la fois la perte et la redécouverte, trente ans plus tard, de la langue première. Plus universel, Timothée de Fombelle invite le lecteur à franchir le passage qui mène au pays d’enfance dans Neverland (L’Iconoclaste). Lé. L.

Romans étrangers : un monde noir

 

La rentrée étrangère 2017, qui fait la part belle aux nouvelles voix, primo-romanciers ou auteurs traduits pour la première fois en français, est marquée par les drames qui secouent la planète.

 

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Ce cru 2017 en littérature étrangère est marqué par la noirceur du regard que les romanciers portent sur le monde à venir. La Britannique Nina Allan arrive avec un roman dystopique, La course (Tristram), situé dans une ville ravagée par le gaz de schiste qui organise des courses de lévriers transgéniques. L’ancien reporter de guerre Omar El Akkad imagine une guerre civile aux Etats-Unis (American war, Flammarion), et Claire Vaye Watkins une grande vague de sable submergeant Los Angeles en butte aux pillards (Les sables de l’Amargosa, Albin Michel). L’héroïne de Carola Dibbell (The only ones, Le Nouvel Attila) donne naissance à un clone dans un New York ravagé par les maladies mortelles. La Norvégienne Maja Lunde fait un grand roman écologiste sur fond de disparition des abeilles (Une histoire des abeilles, Presses de la Cité).

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Racines

Dans la lignée de Chimamanda Ngozi Adichie, un courant de jeunes romancières noires américaines revendiquant leurs racines et s’attachant à l’histoire contemporaine émerge avec Brit Bennett (Le cœur battant de nos mères, Autrement), dont l’héroïne subit à la fois avortement et racisme, Roxanne Gay évoque la violence haïtienne (Treize jours, Denoël), et Angela Flournoy qui brosse le portrait de Detroit après la crise des subprimes (La maison des Turner, Les Escales). De nouvelles voix font entendre les crises et les drames de toute la galaxie anglophone. "Feux croisés" (Plon) programme la primo-romancière indienne Meena Kandasami qui revient sur un massacre il y a quarante ans en Inde (La colère de Kurathi Amman). Jowhor Ile raconte la guerre au Nigeria en 1995 à travers l’histoire d’une famille (Avenue Yabuku, des années plus tard, Bourgois). Kei Miller fait entendre la voix de la Jamaïque (By the rivers of Babylon, Zulma). Tandis que Juan Tomás Avila Laurel raconte la Guinée équatoriale et les migrants d’Afrique noire qui tentent d’entrer en Europe (Sur le mont Gourougou, Asphalte). Steven Uhly, de mère allemande et de père bengali, retrace l’histoire de l’Allemagne et d’Israël après guerre (Le royaume du crépuscule, Presses de la Cité).

La rentrée littéraire est aussi l’occasion de découvrir des livres primés. Le sympathisant (Belfond), première fiction de Viet Thanh Nguyen et portrait d’un agent double sur fond d’histoire américaine, arrive en France auréolé du prix Pulitzer 2016, du prix Edgar du premier roman 2016, et il a été finaliste du prix Pen/Faulkner. D’autres ont reçu les plus prestigieuses récompenses dans leur pays comme Un moustique dans la ville du Géorgien Erlom Akhvlediani (Le Serpent à plumes), prix Saba 2011 ; Soufre du Portugais José Luís Peixoto (Seuil), Oceanos 2016 ; La féroce de l’Italien Nicola Lagioia (Flammarion), le Strega ; L’héritier du Néerlandais Joost de Vries (Plon), le Golden Book Owl ; ou Aux femmes de l’Egyptien Hamdy el-Gazzar (Belleville), Meilleur roman égyptien 2014.

Cette rentrée mise sur les découvertes avec des auteurs traduits pour la première fois en France comme l’Américaine Affinity K (Mischling, Actes Sud), l’Australienne Stephanie Bishop (De l’autre côté du monde, Fleuve éditions), la Brésilienne Guiomar de Grammont, qui narre une guérilla estudiantine au milieu de la forêt amazonienne dans les années 1970 (Les ombres de l’Araguaia, Métailié), la Colombienne Piedad Bonnett, avec un récit sur la folie et le suicide d’un fils (Ce qui n’a pas de nom, Métailié), l’Espagnol Fernando Clemot (Polaris, Actes Sud), le Norvégien Eivind Hofstad Evjemo qui raconte la fusillade sur l’île d’Utoya en 2011 (Vous n’êtes pas venus au monde pour rester seuls, Grasset).

Premiers romans

L’automne du domaine étranger apporte également son lot de premiers romans. La Néerlandaise Inge Schilperoord ose le portrait d’un pédophile (La tanche, Belfond), tandis que deux Allemands opposent rocambolesque avec Emanuel Bergmann (Mosche Goldenhirsch et la grande illusion, Belfond) et sombre passé nazi avec Barbara Dribbusch (Le Bois des ombres, Les Escales). Coqueluche à la derniere Foire de Francfort, Paolo Cognetti arrive avec Les huit montagnes (Stock), une adolescence sur fond de montagne, qui vient de recevoir le prix Strega Giovani, aux côtés de sa compatriote Ginevra Lamberti (Avant tout, se poser les bonnes questions, Le Serpent à plumes).

Parmi les Anglo-Saxons, Ida Novey met en scène une romancière qui s’enfuit (Le jour où Beatriz Yagoda s’assit dans l’arbre, Les Escales), Jaroslav Kalfar, Un astronaute en Bohême (Calmann-Lévy), Lee Clay Johnson des marginaux au fin fond des Appalaches (Nitro mountain, Fayard) et Emily Fridlund une adolescence au bord d’un lac perdu du Minnesota (Une histoire de loups, Gallmeister). Baird Harper a choisi Chicago (Demain sans toi, Grasset) et le réalisateur John Boorman s’attaque au cinéma (Tapis écarlate, Marest). On lira aussi le Russe Gouzel Iakhina (Zouleikha ouvre les yeux, Noir sur blanc), le Britannique Barney Norris (Ce qu’on entend quand on écoute chanter les rivières, Seuil), les Irlandais Karl Geary (Vera, Rivages) et Lisa McInerney (Hérésies glorieuses, Losfeld) ou la Japonaise Kazuki Sakuraba, auteure de mangas (La légende des Akakuchiba, Piranha).

Les amateurs de littérature étrangère retrouveront des romanciers incontournables et des auteurs reconnnus comme Aravind Adiga (Buchet-Chastel), Margaret Atwood (Laffont), Douglas Coupland (Au Diable vauvert), Jonathan Safran Foer (L’Olivier), Wendy Guerra (Buchet-Chastel), Edgar Hilsenrath (Le Tripode), le phénomène littéraire coréen Han Kang (Le Serpent à plumes), Jim Harrison (Flammarion), Hanif Kureishi (Bourgois), Joyce Carol Oates (Philippe Rey), Ron Rash (Seuil), Israël Joshua Singer (L’Antilope), Elizabeth Strout (Fayard), ainsi que William Boyle (Gallmeister) avec son second roman, Boris Akounine qui sort du polar (Louison), Karl Ove Knausgaard et son autobiographie (Denoël). Quelques curiosités compléteront cette riche programmation comme L’archipel des Solovki de Zakhar Prilepine (Actes Sud), Look homeward, angel, nouvelle édition du premier roman de Thomas Wolfe, considéré comme le fondateur de la littérature américaine, préfacé par le célèbre éditeur Maxwell Perkins de Scribner (Bartillat), ou les nouvelles de Laura Kasischke (Page à page). Et pour ceux qui aiment flirter avec la non-fiction, Une partie rouge de Maggie Nelson raconte le procès de l’assassin de sa tante (Sous-sol). C. C.

Cinq étrangers immanquables

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