Etude

1 livre sur 5 est d’occasion ou numérique

L’entrepôt géant de Recyclivreà Villabé, dans l’Essonne. - Photo recyclivre

1 livre sur 5 est d’occasion ou numérique

Le ministère de la Culture a analysé pour la première fois la progression des segments du livre d’occasion et du livre numérique. Ils représentent près de 20 % des achats de livres par les consommateurs en nombre d’exemplaires et 9,5 % en valeur.

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Par Hervé Hugueny,
Créé le 23.06.2017 à 12h07

"La part de l’occasion dans le volume total des achats de livres des ménages est passée de 13 % en 2012 à 15,5 % en 2016", soit une hausse de 19 % en cinq ans, qui s’est légèrement accélérée l’an dernier. En s’appuyant sur les données du panel consommateurs Kantar Sofres, le Service du livre et de la lecture du ministère de la Culture présentera, le 26 juin aux 4es Rencontres nationales de la librairie, la première analyse homogène de l’évolution du marché du livre d’occasion. Il l’a complétée d’une étude identique sur le livre numérique, passé en volume de 2,5 % des achats des ménages en 2012 à 4 % en 2016 (+ 60 %). Ces deux études doivent nourrir une réflexion débarrassée de spéculations alarmistes surgies depuis la stagnation des ventes constatée à partir de 2008 et coïncidant avec le développement des places de marché sur Internet et les prémices du numérique en France.

Mixité des comportements

Au total, les deux segments atteignent près de 20 % des achats des ménages en volume (+ 25,8 % en cinq ans), venant concurrencer l’activité de la plupart des libraires, qui réalisent la quasi-totalité de leur chiffre d’affaires avec le seul livre neuf. Toujours minoritaires, ils se développent régulièrement, portés par la mixité des comportements : un peu plus de 25 % des acheteurs de livres neufs "combinent les différentes pratiques", s’approvisionnant aussi bien en occasion (pour 21 %) qu’en numérique (4 %), ou cumulant les trois à la fois (2 %). En valeur, en raison de leur prix moindre, l’occasion et le numérique représentaient 9,5 % des achats de livres des ménages en 2016 (+ 26,6 % par rapport à 2012).

Ces deux segments constituent un "appoint de l’achat de livres neufs", surtout pour les grands lecteurs, qui augmentent ainsi leur consommation en contrôlant leur budget. Pour les rares librairies qui font aussi de l’occasion, et pour les places de marché sur Internet, c’est un moyen d’attirer du passage via une forme de rabais que la loi Lang ne permet pas sur le neuf. "Les gros acheteurs de livres d’occasion (12 livres et plus) achètent en moyenne deux fois plus de livres neufs." Mais la dynamique de croissance est bien du côté de ces segments concurrents du neuf : "L’occasion compte 1,1 million d’acheteurs de plus en 2016 qu’en 2012 selon Kantar, 850 000 pour le livre numérique", et seulement 100 000 de plus pour le livre neuf.

Il serait exagéré d’en déduire avec certitude un effet de cannibalisation : une partie des achats d’occasion ne sont déclenchés que par la différence de prix, et ne se feraient pas aux tarifs du neuf. Mais "à l’heure de l’économie de l’attention, le temps de lecture pris par les livres d’occasion vient en déduction du temps disponible pour la lecture de livres neufs - ce qui peut, même si la corrélation n’est pas immédiate, venir atténuer la propension à l’achat de livres neufs", estime l’étude du ministère.

Manque à gagner

Si certains libraires sont actifs dans l’occasion, notamment en scolaire, voire en ont fait un élément de leur notoriété (les Gibert), ce marché constitue en revanche un manque à gagner complet pour les éditeurs et les auteurs. La littérature générale est le rayon le plus impacté, pesant plus de 50 % des achats en volume de l’occasion, soit deux fois plus que sa part dans le marché du neuf, souligne l’enquête. Par format, le poche représente 40 % des achats et est aussi surreprésenté. En revanche, la jeunesse et le pratique sont sous-représentés dans l’occasion. Dans le neuf, ces deux segments restent plutôt dynamiques, de même que la BD, en proportion égale dans l’occasion.

Alors qu’il était circonscrit jusqu’au début des années 2000 à la zone de chalandise entourant des points de vente physiques (dont les librairies, encore à 10 % des achats), le marché de l’occasion s’est considérablement ouvert avec l’apparition des places de marché sur Internet. Le prix moyen de l’occasion sur Internet (5,70 euros) est supérieur à celui du circuit informel des brocantes et autres bouquinistes (3 euros), mais ces grandes plateformes sont toujours accessibles, et permettent une recherche efficace des titres souhaités.

"C’est un changement de paradigme par rapport à la situation antérieure dans laquelle la disponibilité des titres en occasion n’était jamais vraiment assurée", insiste l’enquête. Tous canaux confondus, Internet assure aujourd’hui 66 % des ventes de livres d’occasion en valeur et 53 % en nombre d’exemplaires, dont 35 % via Amazon et PriceMinister - leur part n’est pas précisée, ni celles d’eBay, du Bon Coin, de la Fnac et de Gibert Joseph, autres acteurs importants. Ouverte en 2003, la place de marché d’Amazon a pris aujourd’hui une dimension mondiale. Une poignée de très grands revendeurs d’occasion concurrencent, depuis les Etats-Unis (Wonderbook, SuperBookDeals) ou l’Europe (Better World Books, Ftbooks, Momox, World of Books), des spécialistes français, dont le premier est Recyclivre (1).

"La suprématie du livre imprimé neuf dans les achats des ménages, si elle s’érode un peu, n’apparaît pas menacée à brève échéance", estime l’étude. Sur Internet cependant, l’occasion est au même niveau que le neuf, sa présentation entretenant même une telle confusion entre le neuf et l’occasion que le médiateur du livre a été saisi début 2015. La mission n’a toujours pas abouti.

(1) Voir "Recyclivre : le livre d’occasion à l’âge industriel", dans LH 1114, du 27.1.2017, p. 28-29.

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