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Albin Michel lance « L’Atelier du Présent », une nouvelle collection d’essais

Comment pensent les démocraties. Les ressorts cachés des idéologies de Marcel Gauchet et L’Impuissance de l’État de Benjamin Morel - Photo Albin Michel

Albin Michel lance « L’Atelier du Présent », une nouvelle collection d’essais

« L’Atelier du Présent », collection dirigée par Bénédicte Delorme-Montini et Marcel Gauchet, publiera six ouvrages par an. Deux nouvelles parutions sont annoncées : Comment pensent les démocraties. Les ressorts cachés des idéologies de Marcel Gauchet, prévue pour février 2026, et L’Impuissance de l’État de Benjamin Morel en septembre 2026. Livres Hebdo a rencontré les deux éditeurs pour revenir sur leur vision et les ambitions de cette collection.

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Par Louise Ageorges
Créé le 30.09.2025 à 13h06

Les éditions Albin Michel lancent « L’Atelier du présent », une nouvelle collection d’essais destinée à « tous ceux qui souhaitent mieux comprendre les dynamiques actuelles et leur profonde historicité ». La nouvelle offre s’articule autour de trois axes principaux : les civilisations qui structurent l’ordre mondial, les transformations accélérées de nos sociétés et les héritages intellectuels, culturels et politiques. Les deux premiers ouvrages sont à paraître en février et septembre 2026.

Dirigée par Bénédicte Delorme-Montini et Marcel Gauchet, « L’Atelier du présent » a pour ambition de fournir des outils d’analyse permettant de mieux appréhender les évolutions contemporaines dans les domaines politique, technologique et culturel. Dans un entretien accordé à Livres Hebdo, les éditeurs reviennent sur les objectifs et les nouveautés de la collection.

« Nous refusons l’enfermement dans le présent, de même que la lecture du passé à la lumière des valeurs du présent »

Livres Hebdo : Pouvez-vous nous raconter la genèse de cette collection : qui en est à l’origine et quelle était l’ambition initiale ?

Bénédicte Delorme-Montini et Marcel Gauchet : Comme toujours dans la vie : des rencontres qui deviennent des amitiés, des discussions qui deviennent des projets, la frustration à l’égard de l’offre existante, et l’envie de travailler ensemble, pour apporter une note originale dans le paysage éditorial.

Comment cette collection s’inscrit-elle dans la ligne éditoriale d’Albin Michel ?

On partage avec Albin Michel le souci de respecter la pluralité des regards et le pluralisme des opinions, en même temps que la préoccupation d’offrir de la qualité à un public large. Si on y regarde de près, dans le paysage éditorial actuel de plus en plus polarisé, ce n’est pas si courant.

Quels critères guident le choix des thématiques abordées ?

Ce sont les grandes questions contemporaines, y compris et surtout celles qui ne sont pas posées dans le flux courant de l’actualité. Il y a celles qui s’imposent, qu’on voudrait traiter sous un angle original, et celles plus profondes, moins visibles par définition, mais qui sont au cœur des métamorphoses du monde et des sociétés sur le long cours.

À l’heure où de nombreuses collections d’essais paraissent, en quoi la vôtre se distingue-t-elle ?

Les collections, ce sont des directeurs de collection et des auteurs, autrement dit, ce sont des personnalités. Donc toutes les collections ont dès le départ un ADN particulier qui s’affirme dans l’exécution et sur le temps long.

Quel est le profil des autrices et auteurs que vous publiez ? Quelle place accordez-vous aux voix émergentes par rapport aux auteurs déjà reconnus ?

On n’a pas de profil type ni de norme. On vise au contraire la variété pour éviter la routine et tenter de maintenir la curiosité des lecteurs. De même que les éditeurs, les auteurs sont tous des individualités. On donnera la parole à toutes celles et ceux qui ont du talent, quels que soient leur âge et leur notoriété. Comme disait Deng Xiaoping, le bon chat est celui qui attrape les souris.

« Nous tenons à redonner leur épaisseur historique aux questions du présent et comprendre le passé pour lui-même »

Dans le communiqué, vous parlez de « comprendre le présent, sans présentocentrisme ». Que signifie concrètement cette démarche ?

Premièrement, ne pas confondre le présent avec l’actualité : l’actualité, c’est ce qui s’impose à nous chaque jour ; le présent, c’est l’ensemble des questions sous-jacentes à cette actualité qui cristallisent et déterminent les transformations des sociétés.

Deuxièmement, se mettre en garde contre le piège de la familiarité du présent qui en fait un faux ami. Il s’agit dans cette perspective de remettre en question nos grilles de lecture spontanées. Ce que nous voulons éviter à tout prix en rejetant le présentocentrisme, c’est l’oubli du passé derrière le présent, avec cette illusion contemporaine de la table rase qui touche tous les domaines. Nous refusons l’enfermement dans le présent, de même que la lecture du passé à la lumière des valeurs du présent. Nous tenons à redonner leur épaisseur historique aux questions du présent et comprendre le passé pour lui-même, sans les œillères du présent.

Pouvez-vous nous présenter les deux premiers titres de la collection ?

Avec Comment pensent les démocraties. Les ressorts cachés des idéologies (à paraître en février 2026), Marcel Gauchet inaugure la collection en donnant une nouvelle interprétation des origines des idéologies et de leur pouvoir de persuasion qui contre celle de Karl Marx. Le livre retrace dans nouvelle perspective les grandes évolutions idéologiques depuis le XIXe siècle, jusqu’à l’hégémonie du néolibéralisme contemporain qui impose sa logique depuis cinquante ans dans tous les secteurs de la vie sociale des démocraties libérales.

« Les auteurs se font plus rares parce que les universitaires sont de plus en plus spécialisés »

Benjamin Morel va ouvrir la page de la campagne électorale en septembre avec un livre d’une pertinence corrosive : L’Impuissance de l’État (à paraître en septembre 2026). Cette impuissance résulte d’un triple ébranlement : l’ébranlement de la nation par la décentralisation, l’ébranlement de la République par le démembrement de l’appareil public et l’ébranlement de la démocratie par le contournement de la souveraineté populaire.

Entre ces deux ouvrages, s’insérera sans doute un livre sur Israël, Gaza et le monde - un sujet qui nous tient beaucoup à cœur, comme à de nombreux lecteurs, et qui réclame à la fois de la science, du tact et de la profondeur.

Quels défis spécifiques rencontrez-vous dans l’édition d’essais aujourd’hui (visibilité, diffusion, économie du livre) ?

Les données de la situation ne sont pas nouvelles même si elles ont tendance à s’aggraver. Du côté de l’offre, les auteurs se font plus rares parce que les universitaires sont de plus en plus spécialisés et sont détournés de s’adresser au public général par leurs intérêts de carrière. Du côté de la demande, le temps de lecture se réduit en fonction de la surabondance de l’offre numérique, alors que les titres se démultiplient sans qu’aucun filtre médiatique n’oriente le lectorat.

Or, en dépit de tous ces obstacles, on ressent fortement la nécessité de défendre le livre de réflexion parce qu’il est plus que jamais aujourd’hui le vecteur privilégié de la transmission de la culture dans l’espace public, une transmission qui s’effrite par ailleurs, de l’école aux médias. Le livre a beau relever du secteur privé, il est doté d’un véritable enjeu civique.

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