Les éditeurs allemands suivent avec beaucoup d’intérêt et d’appétit la rentrée littéraire française, à l’instar de Raimund Fellinger, directeur éditorial des éditions Suhrkamp. Pour entrer en 1979 au sein de cette prestigieuse maison, il lui fut demandé d’écrire un compte rendu d’Un art moyen de Pierre Bourdieu. Il n’a plus quitté la maison dont il est devenu, en 2006, directeur éditorial.

Editeur au long cours de géants de la littérature germanophone comme Thomas Bernhard ou Peter Handke, avec lesquels il a entretenu une relation de travail tumultueuse, il n’en surveille pas moins attentivement une rentrée littéraire française qui représente selon lui "l’un des événements les plus saillants entre septembre et novembre pour le secteur du livre en Allemagne". En effet, "une maison d’édition étrangère doit déterminer au plus tard à ce moment-là quels titres elle prévoit de traduire, si elle ne s’est pas positionnée plus tôt sur les manuscrits".

La période est donc charnière pour une édition allemande friande d’auteurs venus de l’autre côté du Rhin et à l’affût de titres imprévus : "D’un point de vue non français, poursuit-il, la "rentrée littéraire" représente une occasion unique de s’informer sur les nouvelles parutions. Là-dessus arrivent un grand nombre de prix chargés de prestige, du Goncourt au Renaudot en passant par le Femina. Les livres mis en avant à ce moment-là permettent de se pencher très sérieusement sur le choix ou non d’une traduction, parce que les prix littéraires français les plus connus constituent un atout commercial non négligeable."

Se penchant sur ses trois décennies et demi passées chez Suhrkamp, Raimund Fellinger se souvient par exemple que ce phénomène a permis d’attirer l’attention de la maison sur des titres comme L’amant de Marguerite Duras, prix Goncourt en 1984, ou Trois femmes puissantes de Marie NDiaye en 2009.

La rentrée littéraire à la française se distingue nettement de la temporalité du marché allemand, où les grandes vagues de parutions correspondent aux foires du livre : l’automne avec Francfort, le printemps avec Leipzig. "Après 1945, le gros des nouvelles parutions était chaque année essentiellement concentré à l’automne, mais depuis les années 1980, les deux événements suscitent une production éditoriale de taille à peu près égale", constate Raimund Fellinger.

G. B., à Berlin

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