18 mars > Essai France

Dieu punit Onan de mort parce qu’il refusa de s’unir à la veuve de son frère aîné afin d’engendrer un héritier. Il préféra laisser tomber sa semence sur le sol. S’il s’agissait sans doute d’un coitus interruptus, le personnage biblique allait passer à la postérité en ayant son nom associé à une pratique tout aussi infertile : la masturbation. Thibault de Montaigu n’a pas attendu le terme d’une mission de six mois en Arabie saoudite pour renouer avec ses amours solitaires. Il faut dire que l’auteur et journaliste, âgé à l’époque de 26 ans, n’aurait eu guère de chances de rencontrer quelque beauté en niqab, vu l’islam extrêmement rigoriste en vigueur dans la monarchie pétrolière. Relations homme-femme hors mariage (avec un musulman) interdites, cinéma et théâtre prohibés, Internet censuré, zéro alcool et partout un flicage musclé assuré par les "mouttawas", les agents du Comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice… Pour le fun, on repassera. Ni la collègue néerlandaise peu avenante - "une grande autruche acariâtre aussi sexy et détendue qu’un élastique dentaire" -, ni une conversion opportuniste à l’homosexualité sauf à goûter aux délices de la lapidation ne furent envisagées, Montaigu préféra se contenter de ses rendez-vous avec la veuve poignet.

Voyage autour de mon sexe dont le point de départ fut ce séjour saoudien est un essai qui mêle récit de la petite traversée du désert conjugal et réflexion sur la question de l’onanisme. L’auteur des Anges brûlent (Fayard, 2003) trouve ici une forme originale entre autofiction et promenade à travers les vies et les œuvres (Sade, Proust, Vendredi ou Les limbes du Pacifique de Michel Tournier), les films (Mary à tout prix, American beauty). Singulier sur le fond, il réhabilite Narcisse, irréductible à l’emprise d’autrui, et à travers l’autoérotisme fait l’éloge de l’imagination. S’interrogeant sur l’opprobre dont elle est entachée encore aujourd’hui, il voit dans la masturbation un geste "dangereusement punk", un acte de rébellion contre l’obligation de couple et de famille, contre "le génie de l’espèce". Ce n’est plus Onan le Barbare, mais Onan l’Anar : la branlette, "c’est une insurrection silencieuse contre l’ordre établi. Un obscur regroupement de phalanges dissidentes qui agissent en marge de la société." S. J. R.


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