Roman/Argentine 6 février Martín Caparrós

L'Argentine est un pays largement fourni en drogues diverses et variées. Outre celles, classiques, qui sont sans nationalité précise, il y a aussi le tango, la littérature et le football. Et cela depuis très longtemps, depuis les années 1930 au moins, ce moment où la crise faisait déjà rage tout autant que la corruption morale, à Buenos Aires au moins, ville cosmopolite de tous les trafics.

C'est de tout cela dont il est question dans le fascinant polar historique de Martín Caparrós, Tout pour la patrie, qui vient avec éclat confirmer qu'il est bien l'un des plus doués des écrivains argentins d'aujourd'hui, et qui par ailleurs, comme tout bon écrivain latino, vit à Madrid. C'est l'histoire d'un pauvre type, Andrés Rivarola, la trentaine bien entamée, qui cherche sa voie entre petits boulots, fréquentation des cafés et chambre de bonne. Il va la trouver de la plus étrange et périlleuse des façons. « Grâce » à son dealer, il va se retrouver mêlé sans l'avoir cherché à deux mystères peut-être moins distincts qu'ils n'y paraissent : la fuite vers son village natal de la star du plus grand club de football de la ville, River Plate, officiellement pour obliger ses dirigeants à mieux le payer, et l'assassinat d'une belle jeune femme de la haute société portègne, fille d'un fasciste local. Lui qui n'aime rien moins que de se mêler de ce qui ne le regarde pas, de gros ennuis attendent pourtant Andrés qui aura besoin de toute sa ruse pour les éloigner. En chemin, il croisera toute la faune de la ville, mafieux et écrivains, de Borges à Bioy Casares en passant par Victoria Ocampo, mais surtout une splendide réfugiée juive russe qui va partager son enquête et même son lit.

On pourrait craindre à la lecture de ce qui précède que tout cela soit un peu « too much ». Mais c'est tout le talent narratif de Caparrós que de le rendre crédible sans s'interdire de jouer finement avec les codes du genre. Ce n'est pas un pastiche, mais une sorte d'hommage. Et on n'est pas très sûr d'ailleurs que ces années 1930, ne résonnent pas aussi dans l'Argentine d'aujourd'hui. C'est Buenos Aires sans doute, cette Sodome et Gomorrhe poétique, la véritable héroïne du livre. Il en rend ici l'atmosphère, le chaos, la beauté paradoxale.

Martín Caparrós
Tout pour la patrie - Traduit de l'espagnol (Argentine) par Aline Valesco
Buchet-Chastel
Tirage: 2 600 ex.
Prix: 21 euros ; 288 p.
ISBN: 9782283032824

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