Barnes & Noble va peut-être prochainement changer de propriétaire. La plus grande chaîne de librairies des Etats-Unis est en effet l'objet depuis quatre jours d'une offre publique d'achat (OPA) de la part du groupe Liberty Media. Ce consortium, possèdant notamment les chaînes QVC (téléshopping), DirecTV (sport), Discovery Channel (documentaires) et l'équipe de baseball des Atlanta Braves, a fait une offre à hauteur de 17 dollars par action, ce qui valoriserait à plus d'un milliard de dollars l'entreprise fondée en 1917.
Pour obtenir un accord, le PDG de Liberty Media, John C. Malone, doit convaincre Leonard Riggio, le principal actionnaire de Barnes & Noble avec 30 % de son capital, qui encore récemment n'était pas favorable à une perte de contrôle. Dans l'attente d'une décision, l'OPA a déjà déclenché une envolée du cours de B & N, qui a gagné 30 % en l'espace d'une journée vendredi 20 mai.
Le secteur des chaînes de librairies américaines est en difficulté depuis plusieurs années en raison de l'émergence des livres électroniques et des tablettes tactiles. Après avoir connu de grosses difficultés depuis 2007, en particulier à cause de la concurrence d'Amazon, Barnes & Noble, qui propose une plate-forme de téléchargements de 700 000 ouvrages numérisés sur divers supports, semble à nouveau regarder l'avenir avec espoir. Un nouveau modèle de liseuse électronique doit d'ailleurs être dévoilé mardi 24 mai par B & N, qui profite aussi de la mauvaise passe que connaît son principal concurrent, Borders, contraint de se déclarer en faillite en février dernier. Endetté à hauteur de 396 millions de dollars, le deuxième réseau de librairies américain prévoit de fermer bientôt 200 de ses 642 points de vente, ce qui peut laisser espérer à son grand rival un répit temporaire pour ses ventes physiques inexorablement en déclin.
En rejoignant une entité beaucoup plus importante, B & N, qui, selon certains analystes, envisagerait d'abandonner totalement la vente du format papier d'ici à 2013, pourrait ainsi affronter plus efficacement le défi du numérique. Car, alors qu'il semblait disposer de ressources financières nécessaires, le détaillant a décidé en février de suspendre le versement de ses dividendes afin de conserver des liquidités pour investir dans ce domaine.
Pour l'acheteur éventuel, le gain est à rechercher du côté des synergies qui se mettraient en place, permettant à certains actifs de Liberty Media de diffuser du contenu par l'intermédiaire de B & N. L'accord proposé a reçu le soutien empressé du P-DG de la maison d'édition Penguin, David Shanks, pour qui auteurs, lecteurs, et éditeurs “ont un intérêt dans la sécurité financière et la prospérité des libraires”, a-t-il déclaré à Publishers Weekly. Selon lui, “l'émergence de propriétaires forts et engagés, soutenus par une direction expérimentée, enverra un signal positif pour l'ensemble du secteur”.