Montage de l’exposition Mais fichez-nous la paix la veille du vernissage par Serge Bloch et l’artiste Mireille Vautier. Ici une équation de l’humoriste Chaker Bou Abdalla - Photo Alexandre Mouawad
Beyrouth : le monde du livre dans la tourmente de la guerre
Alors que les attaques israéliennes frappent la banlieue sud de Beyrouth, le monde du livre libanais multiplie les initiatives. Exposition sur la guerre à l’humour acéré, tiré à part littéraire du grand quotidien francophone, tandis que nouvelles traductions et nouvelles publications témoignent de la volonté de défendre le statut de centre international du livre de la capitale libanaise. Reportage.
Par
Alexandre Mouawad à Beyrouth, Créé le
01.04.2025
à 10h49, Mis à jour le 07.04.2025 à 13h17
Vernissage annulé mais exposition réussie pour Mais fichez-nous la paix, une exposition interactive et bilingue sous-titrée « L’amour, l’humour, la guerre, la paix » de l’illustrateur français Serge Bloch et du stand upper libanais Chaker Bou Abdalla. Paradoxalement, un adverbe familier au Liban, si l’inauguration dans les espaces culturels de l’ambassade est reportée, l’exposition est bel et bien ouverte aux publics jusqu’à juin.
« Beaucoup de classes sont d’ores et déjà attendues. Plus que jamais en temps de crises, il faut maintenir l’accès à la culture et aux livres », nous confie l’instigateur de l’événement Mathieu Diez, attaché pour le livre et le débat d’idée à l’Institut français du Liban. Quelques mois seulement ont passé depuis la sortie de notre tiré à part LH « Beyrouth quand même », qui a coïncidé avec l’annonce du cessez-le-feu, le 27 novembre.
Mathieu Diez et Serge Bloch présentent l’exposition "Mais fichez-nous la paix" en l’absence de public devant les journalistes, à Beyrouth- Photo ALEXANDRE MOUAWAD
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Mais à Beyrouth, le feu semble éternel et, ce vendredi 28, alors que le président libanais Joseph Aoun se rendait à Paris pour rencontrer Emmanuel Macron, l’armée israélienne frappait pour la première fois depuis quatre mois la banlieue sud de la capitale levantine.
Et l’esprit n’est plus à la fête, même si Serge Bloch, d’un sourire, nous explique comment la foire du livre jeunesse de Bologne, ouverte le 31 mars, a traduit le titre de la conférence qu’il y donne cette semaine. « Comment éviter le travail ». « Quelque chose comme “comment éviter l’ennui”. L’humour ne traverse pas toujours les frontières. »
Écrire quand même
Reporté également pour la troisième fois, « L’Orient des écrivains », tiré à part du quotidien L’Orient-Le Jour (et disponible gratuitement en ligne), sorte d’équivalent du « Libé des écrivains », paraît envers et contre tout (encore une expression familière ici) ce samedi 29, avec en son milieu une double en guise de poster par l’auteur de Max et Lili et de Sam-Sam.
Intitulé « Écrire la guerre » (toujours elle), une internationale francophone y évoque son expérience plus ou moins directe des conflits. Saïgon ou Kiev, sous la plume de l’écrivaine et journaliste d’origine vietnamienne Doan ; massacres à Gaza dans les bonnes feuilles de Gaza, Vie (Stock 2025) de l’écrivain journaliste palestinien Rami Abou Jamous ; guerre d’Algérie dans les souvenirs de Dalya Daoud, dont le père était agent double.
La libraire et importatrice de livres français Rania Stephan dans les vestiges de la citadelle de Byblos- Photo ALEXANDRE MOUAWAD
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Et, dans un autre registre, depuis une autre « réalité », l’éditeur Manuel Carcassonne évoque son quotidien avec sa femme libanaise. Dans son annonce de cette parution, le rédacteur en chef Sabyl Ghoussoub, notamment Goncourt des lycéens 2022 pour Beyrouth-sur-Seine (Stock), partage sa peine : « Dans cette édition spéciale, publiée avec le soutien de l’Institut français du Liban, ne cherchez pas d’objectivité, ne cherchez pas à comprendre, ne cherchez pas à analyser. C’est un cri du cœur, un cri du cœur venu d’un pays qui n’a connu que des guerres. »
Au hasard de la nuit, un traducteur nous raconte sa lassitude, ses livres traduits en arabe, pour lesquels il a déjà été payé, mais qui ne verront peut-être jamais le jour. « De la littérature. Je n’ai pas le droit d’en dire plus, mais la guerre a remis les compteurs à zéro une fois encore. » Alors nous interrogeons une figure majeure de l’édition, la grande libraire et importatrice de livres français Rania Stephan, que rien ne semble jamais pouvoir atteindre. Comment va le monde du livre libanais en ce moment ? « Tout ce dont le Liban a besoin actuellement, c’est de rêves, d’évasion mais aussi de beaucoup de lucidité, et les livres sont l’outil principal pour ceci. Nous continuons donc de publier des livres qui ont du sens et surtout de les mettre à la portée de tous. Le dernier paru est la version en arabe du livre L’ennemi, de Serge Bloch et Davide Cali(paru initialement chez Sarbacane en 2016) que l’on retrouve dans l’exposition proposée à l’Institut français qu’il a inspirée. »
Depuis vingt-cinq ans, la maison algérienne [barzakh], fondée par Selma Hellal et Sofiane Hadjadj, fait résonner des voix algériennes dans l'espace francophone grâce à une stratégie unique de partenariat avec des maisons hexagonales. Face aux bouleversements politiques, géopolitiques et sociétaux, le couple s'adapte sans renoncer à sa mission : celle de publier depuis Alger une littérature capable de raconter leur pays et de penser le monde. Rencontre avec l'éditeur et l'éditrice, dont les deux voix ne font qu'une.
Le lancement de cette nouvelle collection s’inscrit dans la stratégie de relance menée par son directeur, Vivien Thomas, qui ambitionne de repositionner la maison sur une trajectoire plus visible et internationale. Quatre premières monographies sont à paraître en décembre 2025.
Directeur des éditions Julliard et du Sous-Sol, Adrien Bosc dévoile, dans cet entretien vidéo donné à Livres Hebdo, les voix engagées et éclectiques qui marquent la rentrée de ses deux maisons.
Par
Lauren Malka
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