Ils sont arrivés tôt, sous le chapiteau pourpre du Cabaret sauvage, dans le XIXe arrondissement de Paris. Ce lundi 6 octobre, quelques centaines d’élèves issus de dix classes de lycées sont venus de Paris et de Tours pour assister au coup d’envoi de la première des sept rencontres régionales prévues dans le cadre du prix Goncourt des lycéens 2025.
Organisé par la Fnac, partenaire historique, en collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale et l’Académie Goncourt, cet événement a offert un moment d’échange privilégié entre les lycéens chargés de lire l’intégralité de la première liste Goncourt, à partir de laquelle ils éliront le lauréat le 27 novembre prochain, et les 14 auteurs en lice (David Diop, déjà lauréat du Goncourt des lycéens en 2018, a été retiré de la liste).
Un prix prescripteur
« Si l’on veut que les gens lisent, il faut qu’ils soient conseillés et qu’ils puissent avoir accès aux livres. C’est un principe qui anime la Fnac depuis 50 ans, mais c’est aussi ce que nous avons voulu faire avec le Goncourt des lycéens. Pourquoi ? Parce que vous allez pouvoir conseiller un livre, et faire en sorte qu’il soit beaucoup lu », a introduit Cécile Trunet-Favre, directrice de la communication du groupe Fnac Darty, devant une assemblée de jeunes mines attentives.

Cette année, la Fnac a distribué « 50 jeux de 14 titres » auprès de 57 lycées, touchant ainsi près de 2 000 élèves de seconde, première et terminale. Un investissement rapidement amorti par le caractère prescripteur du prix. « Le Goncourt des lycéens est un des prix qui fait le plus vendre et qui fait parfois plus vendre que le Goncourt lui-même », a assuré en coulisses Cécile Trunet-Favre, citant Petit Pays de Gaël Faye (Grasset, 2016) ou encore La vérité sur l’affaire Harry Quebert de Joël Dicker (De Fallois/L’âge d’homme, 2015).
« Le fait que les élèves rencontrent les auteurs permet de démystifier la littérature »
Avec les rencontres régionales, instaurées en même temps que le prix en 1988, la Fnac souhaite aller plus loin en plaçant les élèves au cœur du projet et de l’univers des auteurs dont ils lisent les œuvres. « Notre objectif est de faire lire. Le fait que les élèves rencontrent les auteurs permet de démystifier la littérature. Quand ils découvrent Maria Pourchet, par exemple, ils réalisent qu’une jeune personne peut aussi écrire des livres », a complété Cécile Trunet-Favre.

Tout au long de la journée, les lycéens ont donc lu à voix haute un extrait d’un texte qu’ils ont choisi, avant de poser leurs questions aux auteurs en présence. Au même moment, deux écrans projetaient en direct la performance artistique des étudiants de l’école Estienne, qui, crayons et pinceaux en main, donnaient corps aux textes entonnés.
« C’est très intimidant. Au départ, on est un peu inquiet de la façon dont ils ont pu attraper le livre. Mais tous les préjugés se lèvent au bout de quelques secondes. Il y a une vitalité incroyable, un rapport très sincère au texte, c’est hyper beau. En tant qu’auteur, on est aussi débarrassé des enjeux autour de la rentrée littéraire. C’est le livre avant tout, et c’est la relation la plus pure qu’un lecteur peut avoir avec un texte », nous a confié Guillaume Poix, après son passage sur scène aux côtés de Ghislaine Dunant, Charif Majdalani et Paul Gasnier.

« Les élèves sont très enthousiastes à l’idée de découvrir une variété de sujets qui les touchent de près »
Pour accompagner les élèves de première dans leurs lectures, Marianne Morin, professeure documentaliste au lycée Sainte-Geneviève à Paris, collabore étroitement avec un enseignant de français et un de SES. Divisés en quatre groupes, les élèves ont chacun six livres à lire avant la date butoir. Une fois par semaine, la classe échange autour des textes ou conçoit des projets liés au Goncourt des lycéens — reportages, créations de marque-page — tandis que le vendredi, 45 minutes sont accordées à un temps de lecture autonome.

« Ils sont très enthousiastes à l’idée de découvrir une variété de sujets qui, souvent, les touchent de près. Finalement, ce sont autant de morceaux du monde qui leur sont donnés par des auteurs vivants, et qui les font réfléchir sur le lien au réel. Par exemple, comment, pour Collision, Paul Gosnier est passé du décès de sa mère à l’écriture d’un livre ? Comment Nathacha Appanah relie un fait divers à son vécu ? », a complété la documentaliste.
Du réel au roman
« Vous avez presque été victime d’un féminicide. Comment vous êtes-vous relevée après une telle tragédie ? », a questionné une élève canadienne, en direction de Nathacha Appanah, à travers une vidéo diffusée. « Je me suis plutôt dit que j’avais échappé à la mort. Le lendemain, j’ai décidé de donner à la jeune fille que j’étais une seconde chance, et je me suis aussi remise à écrire », a rétorqué l’autrice, en référence à la relation d’emprise qu’elle-même a vécu, adolescente, avec un homme plus âgé.

« Comment avez-vous retranscrit avec autant d’exactitude la vie de vos ancêtres ? », a également demandé un élève du lycée André Bouloche à Yanick Lahens. Un mystère rapidement dissipé par l’autrice de Passagères de nuit, qui a rappelé qu’en dépit de la résonance avec son histoire familiale, le roman demeure avant tout une œuvre de fiction.
Les échanges se sont prolongés jusque tard dans l’après-midi, sous la lueur rouge du Cabaret sauvage, tandis que les dernières dédicaces prolongeaient une parenthèse littéraire riche en interactions aussi instructives que surprenantes. L’occasion idéale pour renouveler la curiosité des jeunes lecteurs, pour les semaines à venir.
Le programme des rencontres régionales du prix Goncourt des lycéens