La notion de « livre d'artiste » n'est sans doute pas récente mais c'est seulement depuis peu que les bibliothèques l'utilisent. Que penser de cette prise en charge du livre d'artiste par les bibliothèques ? Comment interpréter cette évolution ? Une rapide recherche bibliographique montre en effet que le thème n'est pas totalement nouveau dans le monde des bibliothèques. On en trouve ainsi mention dans un article du BBF de 1992. Pourtant, il semble qu'un intérêt renouvelé pour le sujet se manifeste dans la période récente. Sur Biblio-fr le premier message évoquant le « livre d'artiste » date de 2004 et 10 des 15 messages qui comportent cette mention datent de 2007 ou après. Au BBF, la moitié des citations recensées dans les archives renvoie à des références postérieures à 2004. Le livre d'artiste émerge donc bien comme un domaine qui suscite l'intérêt des bibliothécaires. Cela tient peut-être au développement d'une forme nouvelle de création contemporaine. Les bibliothèques entendent ne pas négliger cette source d'expression artistique. Elles inscrivent alors leur action dans le cadre du soutien à la création. Elles engagent leur responsabilité par rapport à l'amont de la chaîne du livre comme elles le font à l'égard des petits éditeurs ou des auteurs encore inconnus. Par ce biais, elles échappent aussi à la contingence de la mesure de leur activité par des statistiques de fréquentation parfois décevantes. Au-delà, les bibliothèques manipulent des œuvres qui le sont d'autant plus qu'elles sont uniques. Elles sortent de la diffusion d'un bien issu de l'industrie culturelle (livre, CD, DVD) pour entrer dans la transmission d'œuvres uniques. La nature des documents définit largement le statut de l’institution qui les prend en charge. Avec le livre d’artiste, la bibliothèque se rapproche du musée et de sa légitimité assise sur la détention et l’acquisition d’œuvres uniques. Elle se replace dans le champ culturel comme une institution occupant une position de même niveau (dans la chaîne qui va de la création à la diffusion des œuvres) que les musées. La source de rareté que le patrimoine lui assure (notons d’ailleurs que c’est aussi un sujet qui intéresse beaucoup les bibliothèques depuis quelque temps…) se trouve ainsi complétée par des documents qui ont également le mérite d’une certaine modernité. Avec le livre d’artiste, le passé et l’avenir se trouvent réconciliés dans la contemplation de l’unicité de l’œuvre. Le livre d’artiste apparaît comme un sujet d’intérêt qui grandit dans le flou autour des missions des bibliothèques. Entre les menaces du numérique et l’érosion de la fréquentation il se constitue en certitude alternative. Reste que les bibliothèques doivent composer aussi avec le présent et que la promotion de la lecture passe également par des documents qui ne sont pas uniques. La culture se fabrique aussi dans la redondance des lectures faites   par des usagers profanes de notre époque.
15.10 2013

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