Bibliothèques

Bibliothèques : A Lyon, la vision métropolitaine

La bibliothèque Marguerite-Yourcenar dans le quartier Lacassagne, à Lyon (3e). - Photo Muriel Chaulet/Ville de lyon

Bibliothèques : A Lyon, la vision métropolitaine

Après Marseille, suite de notre série spéciale « municipales » avec un état des lieux du dynamique réseau de lecture publique de Lyon, confronté à un double enjeu au niveau de la ville et de la métropole.

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Par Mylène Moulin
Créé le 28.02.2020 à 11h40

Dans la cité de Rabelais, on aime manger et lire, et l'on court les bouchons comme les salles de lecture. 19,6 % des Lyonnais sont inscrits à une bibliothèque. Vantée pour sa spécificité dans le paysage culturel français, Lyon est aussi un singulier exemple en matière d'administration publique. Le 1er janvier 2015, à l'issue de l'adoption de la loi Maptam, la métropole de Lyon s'est substituée au département du Rhône dans toutes ses compétences. Elle a ainsi hérité de celle de la lecture publique dans 40 communes de moins de 12 000 habitants. Auparavant assurée par la Médiathèque départementale du Rhône, cette mission relève de la Bibliothèque municipale de Lyon (BML) depuis le 1er janvier 2018.

Bibliothèque Hannah-Arendt, dans le quartier Gerland (Lyon 7e)- Photo MURIEL CHAULET/VILLE DE LYON.

Mutualiser

Dans son rapport sur les politiques métropolitaines de lecture publique (1), la bibliothécaire Marie-Emilia Herbet souligne la spécificité lyonnaise : « Plutôt que d'ordonner une métropolisation de la lecture publique par le haut, l'approche adoptée se fonde sur l'expertise existante des acteurs locaux », explique-t-elle. Partager, échanger, faire bouger les pratiques comme les publics sont autant d'enjeux pour la troisième métropole française après Paris et Marseille.

La métropole s'est engagée à la financer cette mutation jusqu'en 2022 à hauteur de 150 000 euros par an en moyenne, et à mettre à la disposition de la BML les moyens humains nécessaires. Six agents ont été recrutés pour épauler la bibliothèque dans sa nouvelle mission. Depuis un peu plus de deux ans, la BML dessert une cinquantaine de collectivités par convention de gestion. Partage des ressources numériques, prêt de collections, montage de projets d'action culturelle, mise à disposition d'expertises... : l'heure est à la mutualisation. « Le lancement de la politique métropolitaine est un moment important dans notre histoire puisque, d'un seul coup, le territoire se dilate en termes de réseau, d'échange, de circulation. C'est la première pierre essentielle d'un édifice qui se construira sur la durée », estime Gilles Eboli, directeur de la BML.

Valoriser le réseau

Outre la desserte documentaire, la métropole assure la valorisation des bibliothèques en les associant à la programmation culturelle de la BML, cheville ouvrière du réseau métropolitain. Alors que, l'an dernier, elles disposaient d'un « corner » dans le programme du festival « Tu joues ou tu joues pas », elles sont cette année partie intégrante de l'événement. Dans le même esprit, la métropole a lancé, en partenariat avec la Fête du livre de Bron, le prix Summer qui propose aux lecteurs des médiathèques et bibliothèques de la métropole de Lyon d'élire leur roman préféré parmi cinq en lice, et de recevoir les auteurs dans leurs établissements.

Au niveau métropolitain, 2019 a vu se concrétiser plusieurs grands chantiers comme le déménagement de la médiathèque de Quincieux dans de nouveaux locaux, où elle passe de 110 à 650 m2. Une réflexion sur la place de la bibliothèque dans la ville a également été entamée, amenant une dizaine de bibliothèques comme celles de Champagne-au-Mont-d'or, Craponne, Decines-Charpieu, Limonest, Neuville-Sur-Saône, Pierre Bénite ou Corbas à repenser leurs horaires d'ouverture. À Marcy-l'Etoile, l'équipe de la médiathèque, installée à proximité de la place du village, a décidé d'ouvrir le dimanche pour répondre aux attentes de ses usagers.

8 communes, 9 bibliothèques

En septembre dernier, la naissance du premier réseau intercommunal de bibliothèques a été un véritable événement. Baptisé ReBOND ce projet regroupe 8 communes et 9 bibliothèques de l'ouest et du nord de Lyon réunies autour d'une charte, d'un système de gestion et d'un site internet communs. Les usagers ont accès à l'ensemble des documents du réseau grâce à une carte unique, à 10 euros pour les adultes et gratuite pour les mineurs. Une navette assure le retour et la livraison des documents réservés. Une autre initiative de ce genre est en cours de création dans le val de Saône. D'autres villes n'ont pas attendu l'intervention métropolitaine pour se lancer. Dans le Sud, Vernaison, Irigny et Charly ont mis en place en 2018, avec une carte unique, une coopération interbibliothèques qu'elles espèrent la développer en créant un catalogue commun.

Trois nouvelles bibliothèques

À Lyon intra-muros, le mandat municipal actuel s'achève sur un bilan plutôt positif. La lecture publique a représenté le premier poste du budget de la culture avec une moyenne de 21 millions d'euros de budget de fonctionnement annuel et environ 33 millions d'euros de budget de travaux. Trois nouveaux établissements ont ouvert leurs portes en 2017 : la bibliothèque Hannah-Arendt dans le 7e arrondissement, la bibliothèque Clémence-Lortet dans le 6e et la bibliothèque Marguerite-Yourcenar dans le 3e. Cette dernière héberge un FabLab où l'on peut découvrir les outils pilotés par ordinateur pour la conception et la réalisation d'objets. Projet pharaonique, la requalification du site de la Part-Dieu a débuté en 2017. La première phase de retraitement, d'un montant de 13 millions d'euros, concerne le silo, qui doit être désamianté et rénové. Les travaux du magasin de livres de 17 étages de la bibliothèque centrale du réseau lyonnais devraient s'achever en 2023.

Entre 2014 et 2019, sur l'ensemble du réseau lyonnais composé désormais de 16 établissements, le nombre d'abonnements a augmenté de 36 %, la fréquentation de 11 % et les prêts de 23 %. « On peut dire de façon très singulière que tous nos voyants sont au vert », se félicite Gilles Eboli, qui rappelle que la BML n'a pas ménagé ses efforts pour séduire le public. Afin d'attirer plus de lecteurs, elle a restructuré la tarification de l'ensemble de son réseau et baissé de moitié le prix de l'inscription. Une carte culture mise en place par la ville donne désormais accès aux services de la bibliothèque, aux musées lyonnais et à des tarifs réduits dans certains cinémas. Tandis que la bibliothèque numérique Numélyo instaure une médiation sur les collections numérisées de la BML, un webzine baptisé L'influx présente régulièrement au public les collections acquises par l'institution. Une stratégie payante puisqu'en 2018, le cap des quatre millions de prêts a été dépassé à Lyon.

Désormais, « nous sommes à un moment d'adaptation de la ressource au besoin, mais aussi de construction de ce besoin », avance prudemment Gilles Eboli. À Lyon comme dans les communes de la métropole, les professionnels savent que les futurs axes de travail resteront à valider par les nouveaux élus. Mais des lignes se dessinent déjà. Pour la ville : la poursuite de la requalification du site de la Part-Dieu et le renforcement du maillage de proximité. Pour la métropole : les défis de l'accessibilité au réseau, des horaires d'ouverture, de l'élargissement des publics et de l'inclusion numérique. Des thèmes qui placent les bibliothèques au cœur des débats électoraux sur la cité et les nouvelles citoyennetés.

 

(1) Marie-Emilia Herbet, Vers des politiques métropolitaines de lecture publique : modèles et enjeux, Enssib/Université de Lyon, 2019.

Magali Moret: « Accompagner les bibliothèques tout en leur laissant les rênes »

Livres Hebdo : Quel bilan tire la métropole deux ans après la mise en place de sa nouvelle politique de lecture publique ?

Magali Moret, chargée de la lecture publique à la Métropole de Lyon.- Photo DR

Magali Moret : La politique métropolitaine concerne 57 bibliothèques et se compose de trois volets : soutenir, accompagner et animer. Tout cela est très jeune, mais le bilan, c'est que ça marche ! La métropole a recruté 6 agents qu'elle a mis à disposition de la bibliothèque municipale de Lyon pour la création d'une cellule dédiée à la lecture publique dans la métropole : le pôle mobile métropolitain, au service de 40 bibliothèques de villes de moins de 12 000 habitants. La métropole a été découpée en 3 grands territoires et chaque agent gère un territoire de référence. L'un d'entre eux a été affecté aux questions numériques. Notre souci est de faire le lien avec les professionnels des bibliothèques en allant sur le terrain.

Concrètement, quelles actions ont été menées ces dernières années au sein des bibliothèques du réseau ?

M. M. : L'emprunt de documents a été un gros chantier et les bibliothèques peuvent à présent faire des réservations à travers un nouveau logiciel créé par la BML. Même si le démarrage a été un peu douloureux, c'est aujourd'hui une affaire qui roule : on réserve des livres, les navettes partent. Le travail de l'équipe au plus près des gens a contribué à faciliter cette mutation. Nous avons aussi accompagné des actions de mutualisation comme le réseau Rebond. Une formation a été mise en place avec le Centre national de la fonction publique territoriale pour que les bibliothèques puissent trouver leur propre modèle de mise en réseau. L'idée est de les accompagner dans le processus tout en leur laissant les rênes du projet.

Quels seront les axes de travail à suivre pour le prochain mandat métropolitain ?

M. M. : Pour la suite il est difficile de se prononcer car cela dépendra des choix du futur exécutif. Outre la consolidation nécessaire des actions déjà engagées, quelques chantiers prioritaires pourraient être proposés à nos élus, comme celui du rôle des bibliothèques dans un plan métropolitain en faveur de l'inclusion numérique, ou encore le renforcement des coopérations entre les 57 bibliothèques du territoire, notamment autour de l'offre numérique. À cet égard, il conviendra de poursuivre la formation des personnels salariés et bénévoles des bibliothèques de la métropole, et d'ajuster nos actions au besoin du terrain et aux évolutions des métiers.

L'enjeu Vaulx-en-Velin

Le projet de la maison de quartier du Mas, qui inclut une médiathèque municipale, à Vaulx-enVelin.- Photo MYLÈNE MOULIN/LH

À l'est de Lyon, Vaulx-en-Velin cristallise les passions depuis un quart de siècle. Depuis le début des années 2000, cette ancienne cité-dortoir de 48 000 habitants tente de se dessiner un nouveau visage à coups de grands projets de rénovation urbaine. Démolition des barres, aménagement d'espaces verts, amélioration du réseau de transport en commun... Le prochain défi concerne le quartier du Mas-du-Taureau, épicentre des émeutes de 1990, situé dans la partie nord de la ville encore enclavée et mal desservie. Le chantier de 277 millions d'euros financé par la municipalité et la métropole inclut le prolongement de la ligne de tramway T1, des logements, une zone commerciale, un pôle formation et 15 585 m² d'équipements publics autour d'un projet phare : la médiathèque-maison de quartier Léonard-de-Vinci, qui verra le jour fin 2020.

Pensé par Rudy Ricciotti, l'architecte du Mucem de Marseille, ce lieu hybride de 2 700 m², à la fois culturel et social, véhiculera des valeurs telles que le vivre ensemble, la solidarité ou l'accès à la connaissance. Il misera sur des dispositifs de médiation innovants comme la Microfolie, un espace de vie culturelle composé d'un musée numérique et d'un module de réalité virtuelle autour des œuvres d'art, réalisé par La Cité des sciences et testé à la bibliothèque Georges Perec de Vaulx-en-Velin.

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