JURIDIQUE

“Bob et Bobette” incompatibles avec un message discriminant

A gauche, la couverture d’origine ; à droite, la parodie incriminée.

“Bob et Bobette” incompatibles avec un message discriminant

La Cour de justice européenne estime que le parti d’extrême droite flamand ne peut détourner en parodie raciste la couverture d’un album de Bob et Bobette.

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Par Hervé Hugueny,
Créé le 04.09.2014 à 18h31 ,
Mis à jour le 05.09.2014 à 10h18

“Lorsqu’une parodie transmet un message discriminatoire, le titulaire des droits de l’œuvre parodiée peut réclamer qu’elle ne soit pas associée à ce message”, estime la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans un arrêt prononcé le 3 septembre à propos d’une couverture de la bande dessinée Bob et Bobette, détournée à des fins d’exploitation politique par le parti d’extrême droite flamand Vlaams Belang (ex-Vlaams Blok).

Début 2011, à Gand, Johan Deckmyn, membre de ce parti, avait distribué un calendrier dont la page de garde reprenait en la parodiant la couverture de La tombe hindoue (De Wilde Weldoener en version originale, soit “le bienfaiteur sauvage” en traduction littérale), un album de la série publié en 1961.

“Le dessin original représentait un personnage emblématique de la série revêtu d’une tunique blanche et entouré de personnes qui essayaient de ramasser les pièces de monnaie qu’il jetait autour de lui. Sur le dessin ornant les calendriers de M. Deckmyn, ce personnage était remplacé par le bourgmestre de la ville de Gand, tandis que les personnes qui ramassaient les pièces de monnaie étaient voilées et de couleur”, explique la CJUE dans le communiqué accompagnant la décision.

Cette parodie “transmet un message discriminatoire ayant pour effet d’associer l’oeuvre protégée à un tel message”, estime la Cour, ajoutant que les ayants-droit de cette BD réalisée par Willy Vandersteen ont un “intérêt légitime” à ce qu’elle n’y soit justement pas associée.

La CJUE rappelle par ailleurs “les caractéristiques essentielles et uniques” de la parodie : “d’une part, d’évoquer une œuvre existante dont elle doit se différencier de manière perceptible et, d’autre part, de constituer une manifestation d’humour ou une raillerie”. “En revanche, une parodie ne doit pas avoir un caractère original propre autre que celui de présenter des différences perceptibles par rapport à l’œuvre originale parodiée”, ajoute-t-elle.

Ayant ainsi tracé le périmètre de l’affaire et du droit s’y appliquant, la CJUE laisse à la Cour d’appel de Bruxelles qui l’a saisie le soin de déterminer si Johan Deckmyn peut se prévaloir de l’exception de parodie qu’il a invoquée dans l’assignation déposée par les ayants-droit de Willy Vandersteen.

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