25 mai > Catalogue France

Ecrivain et peintre autodidacte à l’univers fantasmagorique puissant, auteur d’une œuvre à la reconnaissance posthume, presque accidentelle… Ces particularités ont fait d’Henry Darger, né à Chicago en 1892, l’un des représentants de l’art outsider les plus importants du XXe siècle. Darger, archétype de la figure "romantique" de l’artiste brut ? La monographie, sous la direction de la conservatrice et commissaire Choghakate Kazarian, qui accompagne l’exposition au musée d’Art moderne de la Ville de Paris du 29 mai au 11 octobre, la deuxième en France après celle à La Maison rouge en 2006, a le mérite de questionner tous les clichés attachés à cet artiste singulier dont l’influence n’a cessé de croître depuis le milieu des années 1990.

Placé en foyer à 5 ans, un an après la mort de sa mère, puis dans une institution pour handicapés mentaux jusqu’à l’âge de17 ans, Henry Darger qui travaillait le jour comme homme de ménage dans les hôpitaux de sa ville natale, a accouché dans la solitude et l’anonymat d’une œuvre stupéfiante, naïve et noire, terrifiante et fraîche, paradisiaque et cauchemardesque, retrouvée en 1973, dans la chambre atelier de l’appartement qu’il a occupé pendant quarante ans, par ses logeurs, le photographe Nathan Lerner (décédé en 1997) et sa femme Kiyoko. Cette dernière, qui a fait au musée parisien un don exceptionnel de 45 œuvres, évoque dans les première pages du livre ses "Souvenirs d’Henry". Et comment le couple, en rangeant les affaires de ce locataire parti finir sa vie dans un hospice en leur disant de "tout jeter", a découvert un monde de fiction-monstre, écrit et peint : non seulement le manuscrit de L’histoire de ma vie, l’autobiographie publiée en 2014 aux Forges de Vulcain et que l’éditeur remet en vente le 21 mai, mais aussi "trois textes colossaux", selon l’historien de l’art Michael Bonesteel, dont The story of the Vivian Girls in the realms of the Unreal, un roman de 15 000 pages.

Le catalogue de l’exposition introduit les écrits avant de s’attacher aux œuvres picturales de la collection du musée, les deux formes mettant en scène la "révolte des enfants-esclaves", emmenée par sept fillettes, les combattantes Vivian Girls, dans la nation imaginaire chrétienne Abbieannia en guerre contre les sadiques adultes Glandeliniens. Une épopée violente représentée sur des panneaux en longueur, mélange d’aquarelles, de collages, de décalques à partir de matériaux imprimés, tirés de l’imagerie de l’art populaire américain, de la BD et de la littérature enfantine. En dernière partie, "Le dictionnaire dargérien" éclaire en 64 entrées - d’"Accumulation" à "Vortex" en passant par "Magicien d’Oz" et "Blengins", ces créatures hybrides, "corps d’enfants nus et au sexe masculin portant cornes et ailes de papillons" - le royaume hallucinatoire d’Henry Darger.

Véronique Rossignol

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