27 janvier > Essai France

L’espoir est un thème peu étudié par les philosophes, sauf par les philosophes chrétiens. Dans l’Antiquité, le sage habite l’instant présent. Avec l’avènement du christianisme, le futur refait surface. Pour autant, il ne faut pas confondre espoir et espérance ; l’espoir c’est le chemin, l’espérance c’est le but. L’espérance annonce quelque chose, surtout pour les croyants, l’espoir avance seul. C’est pour cela que la plupart des penseurs l’ont ignoré, à l’exception d’un Descartes, d’un Kant, d’un Camus, ou d’un Sartre qui soutient, contre toute attente, que "l’espoir fait partie de l’homme". Pourtant, chez la plupart des philosophes, de Sénèque à Nietzsche, l’espoir devient méfiance envers la connaissance et l’ignorance que l’on peut avoir du futur. Espérer devient alors une consolation, un désir qui s’oppose à la raison.

Dans cet essai vivifiant qui nous ramène toujours à des préoccupations actuelles, nous cheminons en compagnie des grands penseurs jusqu’à André Comte-Sponville qui a remis l’espoir en selle en traitant du désespoir. Car l’un ne va jamais sans l’autre. Monique Atlan et Roger-Pol Droit nous font voyager au cœur de cette idée avec beaucoup de conviction et de pédagogie. Leur travail s’inscrit dans la continuité de leur précédent ouvrage, Humain : une enquête philosophique sur ces révolutions qui changent nos vies (Flammarion, 2012, "Champs", 2014), qui avait pour thème l’espoir que l’on mettait dans le futur de l’espèce humaine.

Un large chapitre de L’espoir a-t-il un avenir ? est consacré à deux auteurs majeurs qui ont travaillé sur ce thème, dans des optiques très différentes : Ernst Bloch avec son Principe espérance (Gallimard, 1976) et Hans Jonas avec son Principe responsabilité ("Champs", 2013). Tous deux ont pris l’avenir au sérieux. Bloch avait d’ailleurs une jolie formule : "Aucun homme n’a jamais vécu sans rêver les yeux ouverts."

Monique Atlan et Roger-Pol Droit veulent croire, et nous aussi, que l’espoir a encore un avenir. C’est pour cela qu’ils souhaitent le replacer dans le débat public. "Si notre représentation actuelle du temps est en crise - ce qui semble être le cas -, alors l’espoir lui-même en subit les conséquences." Difficile en effet de séparer les deux notions puisque "le temps de l’espoir s’inscrit essentiellement dans le temps historique". Une question surgit alors : "Est-ce parce que nous perdons espoir que nous entrons dans le présentisme ? Ou parce que nous sommes dans le présentisme que l’espoir est en crise ?" Chacun trouvera sa réponse après la lecture de ce livre. Une chose est sûre, on ne se débarrasse pas de l’avenir aussi facilement. Voilà pourquoi il faut sans doute réapprendre à espérer. En désespoir de cause. L. L.

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