avant-portrait

Les courts volumes de Célia Houdart sont autant de parfums entêtants de voyages mystérieux qui troublent et ne s’oublient pas. L’écrivaine parle calmement de sa vie et de son travail. Elle dit chercher à "être le plus précis avec les choses qui le sont le moins". Ses parents marionnettistes partant souvent en tournée, elle passe, enfant, beaucoup de temps avec ses grands-parents. A une époque où elle écoute, observe, dessine. Rêve aussi, en contemplant les bords de Seine, dans l’île Saint-Louis ou à Thomery, commune qui revient souvent dans ses livres. Adolescente, elle lit Michaux, Beckett, Pavese et Primo Levi. Avant d’éprouver pour Claude Simon une "fascination qui perdure".

La musique compagne de toujours

Après des études de lettres et de philosophie à l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm, elle se dirige d’abord vers la mise en scène. Ecrire, elle commence à le faire en Suisse, au mitan de la vingtaine. Quand elle termine Les merveilles du monde, elle l’adresse à P.O.L. Maison où elle n’a pas eu l’impression "d’entrer dans un musée" et où se poursuit une vraie "aventure éditoriale contemporaine".

En janvier, on l’y retrouve avec Gil. Un roman envoûtant et aérien où elle s’empare à sa manière du mythe d’Orphée et se penche sur la voix humaine. Son héros pratique le piano depuis son plus jeune âge. Gil de Andrade est un garçon réservé, qui parle tout bas. Son père, portugais, travaille dans un bureau de poste. Sa mère séjourne dans une institution psychiatrique, y chasse les papillons. Elève très doué, Gil découvre un jour qu’il chante bien. Avec une voix de ténor qui l’amènera sur les scènes du monde entier au fil des années.

La musique a toujours habité Célia Houdart. A 14 ans, elle prenait déjà des places pour aller entendre des récitals. Elle a chanté dans une chorale, ou "toute seule pour le plaisir". Elle peut écouter de l’opéra, Suicide, Cat Power ou Aphex Twin. Sauf quand elle écrit. Qu’elle bâtit à l’ordinateur un roman après avoir pris des notes dans un carnet, fascinée de "voir et de faire surgir un monde". Chaque fois, elle tente de ne pas se soumettre "aux lois du récit", d’être "au plus près" de ses personnages.

L’ancienne lauréate de la villa Médicis hors les murs expérimente sans cesse avec une belle cohérence. Elle a signé des textes pour la scène, des poèmes en prose, a composé en duo avec le musicien Sébastian Roux des pièces sonores diffusées depuis différents lieux. Des projets, elle n’en manque pas. La voici sur le point d’animer un atelier d’écriture à l’université de Cergy, puis un autre dans une école d’art à Genève. Sans parler du journal imaginaire du peintre Paul Klee qu’elle a tenu, bientôt diffusé sur France Culture. Autant de nouvelles manières d’interroger les voix, les émotions, les sensations avec une magie qui lui est si propre.

Alexandre Fillon

Célia Houdart, Gil, P.O.L. 12 euros, 236 p. ISBN : 978-2-8180-2124-8. A paraître le 8 janvier.

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