Avant-critique Essai

Christian-Georges Schwentzel, "Débauches antiques. Comment la Bible et les Anciens ont inventé le vice" (Vendémiaire)

Femme nue agenouillée et attachée, percée d'épingles en bronze. Figurine d'envoûtement provenant d'Égypte, terre cuite, IIIe ou IVe siècle, musée du Louvre, Paris. - Photo © Christian-Georges Schwentzel

Christian-Georges Schwentzel, "Débauches antiques. Comment la Bible et les Anciens ont inventé le vice" (Vendémiaire)

Christian-Georges Schwentzel retrace l'histoire du vice à partir de sources bibliques et gréco-romaines.

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Par Sean Rose
Créé le 23.02.2023 à 09h00

Stupre et tremblements. Dans le Saint-Germain-des-Prés de l'après-guerre, les zazous élisent Miss Vice. Le vice y tenait plus de la blague potache que de la partouze à la Satiricon. Pour goûter la pleine mesure de l'orgie, mieux vaut tourner ses regards vers l'Ancien Testament, Hérodote ou Suétone. De Sodome et Gomorrhe à Caligula, d'Athalie à Cléopâtre en passant par Héliogabale, la Bible comme l'Antiquité regorgent de luxure et de stupre. Polygamie, triolisme, adultère, inceste, pédérastie... Dans Débauches antiques, Christian-Georges Schwentzel fait l'inventaire du vice en remontant aux sources bibliques et gréco-latines.

Mais le vice n'est-il pas ce qui définit le mieux la supposée vertu - la norme érigée en loi sacrée ? « La notion de débauche permet au groupe social d'affirmer : "Voici ce que nous ne sommes pas ; voici ce qui est interdit pour nous." Elle est l'antinorme. » Aussi n'est-ce pas tant le plaisir érotique qui, dans notre civilisation judéo-chrétienne imbue de valeurs antiques, est condamné, que son excès, cette démesure traduisant le manque de contrôle. Ève, la première femme, incite Adam, l'ancêtre des humains, à pécher. Elle lui enseigne la désobéissance. La femme comme facteur de désordre est un leitmotiv dans la Bible. Telle Dalila vendue aux Philistins, elle prend le masque de la « putain impie ». Elle est l'épouse du pharaon Putiphar ou encore la princesse phénicienne Jézabel, c'est l'étrangère qui attire l'homme dans ses rets par les « charmes pervers d'une altérité corruptrice. » CQFD : « Elle constitue le principal danger susceptible de faire chuter l'homme dominant. Une faute irréparable dans un monde patriarcal. »

La domination mâle dans l'agora trouve sa traduction dans l'alcôve. Cette vision viriliste s'impose jusque dans les positions sexuelles. Le cunnilingus est considéré comme sacrilège. Chez les Romains, le souligne l'auteur du Manuel du parfait dictateur : Jules César et les « hommes forts » du XXIe siècle (Vendémiaire, 2021), « la sexualité n'était pas vue comme une identité, mais comme un ensemble de pratiques valorisantes ou, au contraire, dégradantes. D'un côté, le mâle dominant qui pénètre, de l'autre la femme ou l'homme dominé tous deux pénétrés. » Cet ouvrage plaisamment érudit se clôt avec « De saint Paul à #MeToo », épilogue sur notre époque qui, en substituant au statut social l'idée de consentement, sonne le glas du modèle phallocratique tel qu'hérité de la Bible et de l'Antiquité.

Christian-Georges Schwentzel
Débauches antiques. Comment la Bible et les Anciens ont inventé le vice
Vendémiaire
Tirage: 1 500 ex.
Prix: 24 € ; 312 p.
ISBN: 9782363583963

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