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Christophe Hardy (SGDL) : "La simplification administrative est un enjeu majeur"

Christophe Hardy, président de la Société des gens de lettres - Photo Yann Bohac

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Malgré le confinement, les concertations entre les représentants associatifs et ceux du ministère de la Culture pour définir le statut de l'auteur se poursuivent. Dans une tribune à Livres Hebdo, le président de la Société des gens de lettres, Christophe Hardy, réagit à une proposition de réforme administrative formulée par le Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et artistes-autrices lors de ces réunions.

Livres Hebdo

Une étude du ministère de la Culture de 2015 sur la situation économique et sociale des auteurs de livres a montré que les trois quarts d’entre nous déclarions nos revenus en traitements et salaires – TS dans notre jargon. Pour les uns, qui exercent une autre activité professionnelle, comme pour les autres, qui exercent le seul métier d’auteur, ce choix de déclarer tous ses revenus au sein d’un seul et même régime, un mot l’explique et le légitime : simplicité. D’autres choix existent, également légitimes : déclarer tout ou partie de ses revenus en bénéfices non commerciaux – BNC dans notre jargon. Dans ce cas il faut avoir un numéro de SIRET. Mais jusqu’à nouvel ordre ne pas avoir ce numéro et ne pas déclarer ses revenus en BNC n’a jamais empêché un auteur d’être rémunéré pour les livres qu’il écrit, pour les interventions qu’il fait dans les salons ou les festivals, pour les rencontres qui lui sont proposées pour parler de son œuvre. L’administration fiscale s’est toujours accommodée d’une situation qui ne lésait personne.

Aujourd’hui, la question de la simplification des démarches administratives est un enjeu majeur dans la concertation que nous menons avec les pouvoirs publics. Nous nous débattons avec une Urssaf qui a beaucoup de mal (le mot est faible) à nous identifier, à nous comprendre et à nous guider. Enfin, notre réflexion collective se concentre sur la définition d’un statut spécifique qui nous conforterait en tant qu’artistes-auteurs et nous garantirait un plein accès à nos droits sociaux. Et c’est dans ce contexte qu’une organisation de plasticiens décide, sans concertation avec l’ensemble des associations professionnelles, de réclamer que l’État impose à tout auteur qui voudrait participer à un salon, animer un atelier d’écriture, faire une demande de bourse, intervenir dans une classe pour un projet d’Education artistique et culturelle, de disposer d’un numéro de SIRET et de se soumettre aux contraintes administratives qui en découlent – gestion des acomptes trimestriels par exemple.

Simplifier, oui, uniformiser, non !

Cette demande, formulée sur un mode comminatoire, suscite chez nombre d’auteurs incompréhension et panique… Les salons et les festivals se fermeront-ils demain à ceux d’entre nous qui ne seraient pas en mesure de produire leur laissez-passer administratif  ? Ceux qui n’ont pas de numéro de SIRET s’entendront-ils dire que l’on veut bien les inviter mais qu’on se trouve dans l’incapacité de rémunérer leurs interventions ? Les promoteurs d’une telle demande aux allures de diktat refusent de reconnaître la spécificité et la multiplicité de nos situations et de nos choix professionnels.

Si les instructions fiscales ne sont pas adaptées à la réalité de nos métiers, demandons qu’elles le soient, et non l’inverse. Si les outils informatiques dont disposent les établissements scolaires ne sont pas adaptés à la réalité de nos pratiques, demandons qu’ils soient perfectionnés. Pourquoi serait-ce à nous de nous plier aux insuffisances des règlements et des instruments ? Cette année, nous avons réussi à agir en ce sens : l’accès au fonds de solidarité national, mis en place au printemps dernier, réservé dans un premier temps aux seuls détenteurs d’un numéro de SIRET est désormais accessible à tous les artistes-auteurs.

Nous ne sommes pas des amateurs désinformés, immatures, égarés par des conseilleurs incompétents ou malveillants. Nous sommes des auteurs qui revendiquons la liberté de choisir – choisir, selon notre situation personnelle et professionnelle, les conditions d’exercice de nos métiers et le régime déclaratif qui nous convient le mieux. Défendre les artistes-auteurs, c’est défendre aussi cette pluralité là. Et ce n’est pas les défendre que de vouloir les mettre au pas, les faire rentrer "dans les clous" ou obéir à l’on ne sait quelle parade d’allure militaire. Réclamer un statut harmonisé, lisible et adapté, ce n’est pas réclamer un uniforme. Nous refusons la caporalisation de nos métiers. Et, pour reprendre la belle image de Victor Segalen dans ses Conseils au bon voyageur, nous préférons pouvoir continuer à nous baigner dans "le grand fleuve Diversité".

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